Radiothérapie ou Surveillance Active ? Telle est la question.

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Bruno99

Je suis un homme de 63 ans. À un examen annuel de routine, on m'a référé à un urologue étant donné mon taux PSA de 4,75. L'urologue m'envoie passer un IRM. Résultat : Pyrads 3. Une biopsie s'avère donc nécessaire. 12 prélèvements dont 3 sont problématiques. 2 prélèvements Grade 1 avec Gleason 3+3 et un prélèvement Grade 2 avec Gleason 3+4, (intermédiaire favorable). 10% de patron 4. Patron Gleason 4 sous forme de glandes irrégulières. Pas d'évidence de patron cribriforme. Présence d'envahissement péri-nerveux. En résumé :

PSA de 2,41 (décembre 2020)
PSA de 3,47 (juillet 2022)
PSA de 4,75 (novembre 2023)
PSA de 4,63 (janvier 2024)—Donc, doublement en 3 ans.

IRM = Diffusion : la restriction de la diffusion est hétérogène, non bien circonscrite à la lésion. PAS d'hématome hyperintense T1 intraprostatique significatif. Approximativement 2.2 cm, Zone transitionnelle antérieure, tiers apical. PAS d'extension extra-capsulaire.  T2 : par endroits bien délimitée, par endroits +/- bien délimitée, PYRADS 3 / 5. PAS de signal tumoral aux vésicules séminales. Les régions des paquets neurovasculaires sont sans grande particularité. PAS d'adénomégalie pelvienne. PAS de lésion suspecte osseuse.

L'urologue m'envoie immédiatement rencontrer un radio-oncologue et j'ai droit immédiatement à la totale. Radiothérapie externe 20 séances + hormonothérapie pour 6 mois. Mais voilà qu'en constatant tous les effets secondaires de ces traitements, je demande un répit, le temps de réfléchir et de prendre de l'information. De très nombreuses lectures scientifiques sérieuses sur les récentes avancées médicales de la recherche dans le traitement du cancer de la prostate me laissent perplexe et laissent entrevoir qu'on ne traite plus aujourd'hui les Gleason 3+4 comme avant. On semble maintenant vouloir éviter le sur-traitement en procédant plutôt à une surveillance active pour certains types de cancers (Gleason 3+4 avec PSA inférieur à 10), dont le mien. D'ailleurs, les plus récentes études scientifiques médicales semblent démontrer qu'avec un cancer comme le mien, je perdais seulement 4% d'espérance de vie sur 10 ans avec une surveillance active plutôt qu'une prostatectomie radicale. Bref, j'aurais encore 86% de chance de survie après 10 ans au lieu de 90%.  (Ref: l'International Society of Urological Pathology et le National Institute for Health Research (NIHR) du Royaume-Uni) Quand même marginale n'est-ce pas ?

Évidemment, un traitement plus radical serait toujours nécessaire en cours de route advenant une détérioration graduelle importante de la situation. Mais si je dois être traité, ne serait-ce que dans 3 ans au lieu de maintenant , n'est-ce pas là 3 années supplémentaires de qualité de vie ? Docteur, est-ce que mon raisonnement tient la route ? Mais aussi, quel est votre opinion sur mon type de cancer ? Ça m'aiderait énormément.

 

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Dr A.Marceau

Bonjour,

Vous vous êtes livré à un travail de recherche bibliographique approfondi et "malheureusement", vous êtes confronté à une difficulté majeure de la médecine : elle n'est pas une science exacte si bien que les points de vue peuvent différer sur bien des sujets d'un médecin à un autre. C'est le cas du cancer de la prostate pour lequel les avis peuvent diverger entre surveillance active et traitements, et entre traitements (chirurgie radicale ou radiothérapie et/ou hormonothérapie).

Je ne suis pas spécialiste du cancer de la prostate, je ne me hasarderai donc pas à vous orienter vers une option plutôt qu'une autre. Je pense juste qu'un second avis urologique pourrait vous aider dans votre prise de décision.

Deux remarques toutefois: 1- l'option de la surveillance active est généralement influencée par l'espérance de vie, quand celle-ci est inférieure à 10 ans, ce qui n'est pas votre cas. 2- la chirurgie (prostatectomie), si le cancer est strictement intraprostatique (pas de franchissement de la capsule), doit pouvoir préserver les bandelettes vasculonerveuses et donc avoir peu d'effets secondaires. Evidemment, l'expérience du chirurgien est également une donnée à prendre en compte !

Cordialement

Dr Marceau

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Bruno99

Merci Dr. Marceau de l'intérêt que vous avez porté à mon texte. J'ai un autre contrôle PSA la semaine prochaine et je rencontre mon urologue en début de mai. Je verrai ce qu'il en pense. Je pourrai même donner une suite à mon "long" message le cas échéant. Merci encore de vous êtes donné la peine de répondre, vous même bien aimable.

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Elman

Bonjour, 

Vos chiffres ne me rassurent pas, mon 1er bilan est à 4,7 sans aucun élément de comparaison…. Vous à 4,7 vous avec déjà un cancer bien identifié…. ☹️

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Bruno99

Désolé de vous inquiéter mais ce seul élément ne suffit vraiment pas, d'autant plus que votre taux est quand même assez bas. Seule une IRM et une biopsie peut confirmer si oui ou non il y a présence de cancer.

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AL1A100

Attn bruno99

quasiment le même tableau clinique que le votre (64 ans, Gleason 3+4, 2 lésions en ZP droite dont une de 9 mm ISUP2 avec 10% de grade 4, PSA à 7 doublement en 5 ans, prostate de 62mm) . Sauf qu'on s'orienterait plus vers la chirurgie PR dans mon cas

Et bien entendu les mêmes interrogations SA ou PR pour moi.

Je multiplie les avis en ce moment pour mieux décider 
J'ai consulté en secteur hospitalier à Paris 2 urologues, 1 radiothérapeute par mail, 1 radio-oncologue

Les avis des urologues sont partagés entre SA et PR. 1 partout. ça n'aide pas à choisir. J'en consulterai donc un 3ème pour arbitrer
Radiothérapie ne semble pas être adaptée à mon cas.  Les avis des radiothérapeutes vont cependant plutôt vers la SA pour le moment.

Les effets secondaires des traitements sont importants sur la qualité de vie. 
A priori, on changerai de doctrine de plus en plus pour le gleason 3+4 en n'intervenant pas et donc SA chez les anglo-saxons. 

Plus qu'il acquis que l'évolution de type de cancer est lente, Je vais aussi pour le moment acter pour la SA ( PSA tous les 6 mois , voire 3 mois au début+ IRM:biopsie ciblée annuelle) et j'aviserai pour une PR si le PSA se dégrade. 

Merci pour vos retours et l'information de cette très intéressante étude ProtecT anglaise que je ne connaissais pas et qui quelque part me conforte. 

Et vous, Où en êtes vous svp ? J'aimerai bien échanger avec vous 

Alain

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Bruno99

Bonjour Alain,

Quelques mois se sont écoulés depuis mon intervention. Voici une mise à jour. J'avais demandé à l'oncologue de pouvoir réfléchir durant la période estivale. Ce qu'il avait bien sûr accepté.

De façon surprenante, mon PSA du 2 août dernier avait baissé à 4,13. Voici ce que nous avons donc décidé : Début d'une hormonothérapie de nouvelle génération le 16 août dernier. Une seule injection d'Éligard avec un effet estimé à 4 mois. Curiethérapie à haut débit de radiation prévue en début octobre suivi de 15 séances de radiothérapie standard.

Je suis donc sur une hormonothérapie depuis plus d'un mois. À vrai dire, vraiment pas beaucoup d'effets secondaires. Quelques bouffées de chaleur sans grande importance mais beaucoup plus de fatigue et une augmentation de la fréquence des mictions. Rien de bien contraignant j'avoue. L'hormonothérapie était ce que je redoutais le plus mais sincèrement, y a rien là. Je pourrai te faire un suivi en octobre après tout mes traitements de curiethérapie et de radiothérapie.

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Bruno99

Alain, j'oubliais. Pourquoi la curiethérapie et la radiothérapie n'est-elle pas davantage considérées dans votre cas ? Perso, je trouve ça quand même plus approprié qu'une simple SA.

 

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AL1A100

Bonjour Bruno 

Vous avez sûrement compris que je suis comme vous probablement très cartésien et soucieux de recueillir l'ensemble des éléments disponibles pour prendre cette décision pas facile sur le traitement à suivre 

Merci pour vos éléments de réponse sur votre traitement. Je reste très dubitatif comme vous sur le fait qu'on vous a proposé hormonothérapie + radiothérapie dans votre cas et pas le mien. Alors que nos tableaux cliniques sont très semblables. J'y perds sincèrement mon latin

Avez-vous consulté plusieurs chapelles avant de prendre votre décision (urologue, radiothérapeute, oncologue, radio-onco,...)

Dans mon cas, après les urologues je viens juste de rencontrer à Paris en CHU un professeur radio-oncologue qui m'a clairement déconseillé la radiothérapie pour mon cas ( et encore plus l'hormonothérapie) carrément à fuir dans ma situation m'a-t-il dit si on me l'a proposait 

La principale raison avancée dans mon cas aurait été une dégradation de la gène urinaire qui est chez moi déjà que trop présente. Comme vous évoquez des problèmes de miction plus fréquentes, ceci explique sûrement l'avis défavorable dans mon cas . 
D'autre part, les effets négatifs inévitables de la radiothérapie en première intention sur les tissus sains à proximité des lésions auraient complexifiés la récupération de mon organisme en cas d'une éventuelle PR à suivre si la situation se dégradait 

A ce stade , il me semble plus logique d'aller vers une PR ou comme cela ne semble pas déconseillé de commencer en SA puis  PR si la situation se dégradait . La seconde solution aurait plus mes faveurs. 
Mais le professeur en urologie cette fois d'un autre CHU parisien me préconise lui plutôt la PR en première intention. Celà aurait été trop simple 

Bref je suis un peu pommé je dois dire d'où ma décision de prendre un troisième professeur en urologie de renom d'un autre CHU (et qui passe souvent à la télé) comme arbitre dans quelques mois début 2025 avec un PSA réactualisé. Nous verrons bien 
Heureusement cette pathologie prostatique est d'évolution lente, elle nous offre au moins le temps de la réflexion 

Pour la petite histoire, Initialement je m'engageais vers une embolisation des artères de la prostate (EAP) pour traiter cette gène urinaire liée à une grosse prostate . L'IRM pré-embolisation a cependant mis en évidence 3 lésions pirads 3,4,5 dont les pirads 3 et 4 ne sont révélées cancereuses en isup 1 et 2 après biopsie ciblée. 
Cela a stoppé nette la démarche d'embolisation aussi puisque que si il y a PR à plus ou moyen terme, cela réglerait forcément aussi le problème d'adénome . Mais je gagnerai inévitablement les inconvénients de la PR très redoutés (incontinence et pb érectiles). La joie quoi. 

Historiquement, il faut savoir que L'urologue senior qui m'a fait ma biopsie et annoncé le cancer post-biopsie n'était cependant lui pas opposé à la poursuite d'une démarche d'embolisation pendant la SA afin d'améliorer la gène urinaire. 

Mais, Proposition catégoriquement non approuvée par les 2 professeurs en urologie et radio-onco à qui j'en ai parlé par la suite. Pour eux, Les tissus embolisés compliqueraient voire rendraient impossible un suivi ou une PR ultérieure . Celà compliquerait voire fermerait certaines options thérapeutiques donc. Là dessus j'en ai au moins 2 qui sont raccord 

Aucun ne m'a parlé de l'étude ProtectT qui démontre qu'on n'obère pas vraiment - statistiquement parlant - notre espérance de vie quelque soit le traitement retenu incluant donc la SA. Tant mieux car en l'état de mes recherches d'informations, je ne suis pas -encore- en capacité de prendre une décision de traitement curatif 

Peut-être pourriez-vous m'aider cher Bruno . J'ai lu dans un article sur internet qu'une étude avait démontrée que l'embolisation avait aussi de son côté possiblement un effet bénéfique sur les cancers localisés intra prostatiques . 
L'idée générale si j'ai bien compris est que la nécrose des tissus en raison de l'embolisation des artères prostatiques - qui réduiraient donc la taille de la prostate- détruirait aussi les cellules cancéreuses localisées à l'intérieur.

Impossible de retrouver cet article dans mon historique de surf et encore moins l'étude qu'il décrit et qu'il m'intéresserait au plus au point de lire. 

Si par hasard vous pouviez m'aider à la dénicher, cela ferait je pense aussi avancer cette réflexion collective sur les nouveaux traitements possibles

En effet, j'ai la très désagréable pensée que chacun prêche un peu pour sa paroisse (spécialité médicale) dans cette affaire. Or, les radiologues interventionnels (qui pratiquent les embolisations) s'immiscent aussi désormais aussi dans le paysage prostatique déjà bien encombré 

À bientôt de vous lire


Alain 
 

PS : sur quelle ville ou région êtes-vous svp ?

 

 

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Bruno99

Re-bonjour Alain,

Avant tout, je tiens à préciser que je suis nord-américain, habitant la région de Montréal, au Canada.

Je m’abstiendrai de commenter sur le traitement par embolisation, car je n’y connais absolument rien et je pense que cela nous éloigne un peu du sujet principal : le traitement du cancer de la prostate.

Cependant, je réalise maintenant que, contrairement à ton premier message où tu mentionnais que nos situations cliniques étaient très similaires, elles sont en fait assez différentes. Tu parles désormais d’un PSA de 7 et de Pyrads 3, 4 et 5, ce qui n’est pas du tout mon cas. Tu comprendras donc que je ne me permettrai pas de commenter la qualité des conseils que t’ont donnés tes experts.

Je comprends néanmoins tes doutes, crois-moi. Je pense que tu fais bien de consulter différents avis, et je t’encourage à continuer jusqu’à ce que tu te sentes totalement à l’aise et en confiance avec le traitement proposé.

Mon été de réflexion m’a été très bénéfique. Comme je l’avais mentionné, je ne voyais aucune nécessité de subir un traitement quelconque, que ce soit la prostatectomie radicale (PR), la radiothérapie ou l’hormonothérapie. Pour moi, la surveillance active (SA) était LA solution. Ma décision finale a été prise en collaboration avec mon radio-oncologue, qui m’a laissé toute la liberté de choix.

Je l’ai d’ailleurs rencontré pas plus tard qu'hier. Pendant l’été, j’ai échangé avec deux personnes qui viennent d’être diagnostiqués d’un cancer de la prostate. Les deux ont opté pour la PR, et je me demandais pourquoi. J’ai donc posé la question directement à mon médecin traitant : pourquoi la PR ? Quel en est l’avantage ?

À ma grande surprise, avec un sourire, il m’a répondu : « Je ne comprends pas vraiment. Les progrès dans le traitement du cancer de la prostate sont très considérables. Aujourd’hui, les patients peuvent bénéficier de traitements très sophistiqués, tels que la curiethérapie de pointe et la radiothérapie ultra-ciblée, qui minimisent les dommages collatéraux. » Il suspecte une mentalité nord-américaine qui pousse à privilégier la PR. Bien sûr, chaque cas est unique, et de nombreuses raisons peuvent justifier la PR.

Mon radio-oncologue, qui a fait sa formation à Paris, m’a aussi informé que les Européens sont davantage orientés vers des alternatives à la PR. Mais d’après ce que tu décris, cela ne semble pas être le cas pour toi.

Je termine en te conseillant de continuer à t’informer et à demander des avis. Surtout, n’hésite pas à poser des questions et à demander le « pourquoi ». Tu mentionnes à plusieurs reprises que tes conseils proviennent de professeurs en urologie. Sans dénigrer leur professionnalisme ou leurs connaissances, pourquoi ne pas discuter aussi avec des radiologistes ou des radio-oncologues ? Ce n’est qu’une suggestion.

Quoi qu’il en soit, je suis de tout cœur avec toi. N’hésite pas à me tenir au courant de l’évolution de ta situation et à me recontacter si tu as des questions. Ton cas m’intéresse vraiment.

Bon courage et reste positif.


Bruno

 

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