Le droit de ne pas savoir

2 commentaires
Mamonnabis

Chers membres de cette communauté,
Au cours d'un examen de routine, on a découvert chez ma mère une masse ovarienne de 12cm, ayant provoqué un oedeme de la jambe, une ascite et un début de pleurésie. Ma maman, agée de 92 ans, n'avait pas conscience de la gravité de son cas, mais son médecin traitant m'a alertée, avec beaucoup de précaution et d'humanité, sur le diagnostic probable de cancer de l'ovaire.
Depuis 3 semaines, maman est hospitalisée dans un service d'onco-gériatrie, où elle a subi de nombreux examens (scanner, ponctions de la plèvre et du peritoine, coelioscopie...).
Lors de son arrivée à l'hopital, j'ai prévenu le personnel soignant que, bien qu'étant en pleine possession de ses facultés mentales, elle était fragile, avait une peur viscérale de la mort et de la maladie, et qu'elle préférait ne rien savoir si jamais elle était atteinte d'une maladie grave (elle me l'avait dit à plusieurs reprises).
J'ai donc demandé à être informée en priorité de tout résultat ou diagnostic la concernant afin de respecter son choix et de la protéger en filtrant les informations. L'Interne a noté ma demande dans le dossier médical, m'a enregistrée comme "personne de confiance", et s'est engagée à me tenir informée de la situation toutes les 2 ou 3 jours.
Je rends visite à ma maman tous les jours, et reste plusieurs heures avec elle, je fais de mon mieux pour la rassurer, l'encourager, la faire rire. Nous faisions des projets de voyages, de travaux d'embellissement de sa maison.... jusqu'au jour où je l'ai trouvée en pleurs en arrivant dans sa chambre. On venait de lui annoncer son cancer, et les différents traitements chimiothérapiques qui allaient être mis en place.
Je suis aussitôt allée voir les médecins pour leur faire part de mon étonnement (on n'avait pas tenu compte de ma demande et personne ne m'avait contactée, comme prévu, durant les 8 premiers jours de l'hospitalisation de maman), de ma tristesse (ma mère était, comme je l'avais craint, dévastée par cette nouvelle), et de ma colère (la douleur psychologique ne doit elle pas être prise en considération autant que la douleur physique, surtout chez des personnes fragiles?).
Les médecins m'ont très sèchement répondu que je n'étais pas la patiente, qu'ils n'avaient aucun compte à me rendre, et que dorénavant, ils ne souhaitaient pas avoir de contact avec moi ! J'étais anéantie.
Je ne comprenais pas. Je n'avais jamais vu ces médecins, ne les ai jamais eus au téléphone, ne me suis jamais mêlée de leur travail que je respecte. Je voulais juste préserver ma maman et lui offrir une fin de vie la plus apaisée possible, en lui expliquant les choses avec des mots que je la savais capable d'entendre. Mais ma demande était scandaleuse et irrecevable.
Je n'ai pas la prétention d'avoir raison, mais ce n'est pas ma raison qui parle, c'est l'amour que je porte à ma mère. L'amour ne fait apparemment pas le poids face à la soi-disant déontologie médicale.
Depuis, ma mère a dû rédiger une lettre faisant valoir son droit à "être tenue dans l'ignorance" et demandant à ce que je sois la seule informée de tout ce qui la concerne.
J'espère qu'il en sera tenu compte, et que je pourrai continuer à évoquer avec maman les projets qui la rendent encore heureuse.
En tous cas, cette douloureuse situation m'a appris que des années d'études de médecine fastidieuses ne préservaient pas forcément de la bêtise...
Pardon d'avoir été aussi longue, et merci à celles et ceux qui m'auront lue jusqu'ici, et qui peut-être me donneront leur avis...
Un grand merci aussi à la personne formidable que j'ai eue au téléphone sur ce même sujet hier, en appelant le numero de La Ligue....
Nathalie

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Dr A.Marceau

Bonjour Nathalie,
Votre long témoignage est effectivement à la fois un témoignage d'amour pour votre mère et un témoignage d'indignation.
Je comprends cette indignation et personnellement, je pense que ces médecins auraient dû vous prévenir comme le médecin traitant avait pris soin de le faire. Certes, les soins qui sont prodigués à votre Maman, visiblement en pleine possession de ses facultés intellectuelles, ne peuvent l'être à son insu. Mais l'annonce du diagnostic aurait dû être fait avec plus de tact et d'humanité, et en votre présence dès lors que celle-ci était souhaitée par votre Maman.
Bien cordialement
Dr A.Marceau

Mamonnabis

Merci A. pour votre soutien.
J'aurais tant aimé que mes interlocuteurs prononcent les 2 mots magiques de votre commentaire : "je comprends".
Cela aurait suffit à désamorcer un conflit qui pénalise aujourd'hui ma maman autant que moi.
Merci encore.
Bien cordialement,
Nathalie

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