Les conséquences de la chimiothérapie pendant l'enfance sur la fertilité des femmes

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Plusieurs équipes françaises ont montré que la chimiothérapie à base d’alkylants administrée pour un cancer pédiatrique peut diminuer la réserve ovarienne des femmes, avec, à la clé, un risque théorique de ménopause précoce. Soutenu par la Ligue contre le cancer dans le cadre du programme « Adolescents et cancer » et premier auteur de ces travaux, le docteur Cécile Thomas-Teinturier (service d’endocrinologie pédiatrique, hôpital du Kremlin Bicêtre) nous explique les implications de ce résultat.

par CORINNE DRAULT

Chez toutes les femmes, la période de fertilité est liée au nombre de follicules présents dans les ovaires. Ces follicules, qui abritent le développement des ovocytes, constituent un stock non renouvelable qui décline au cours du temps. Ainsi, la ménopause survient lorsque ce stock, encore appelé « réserve ovarienne », descend au-dessous d’un certain seuil, cinq à dix ans après la fin de la période de fertilité.
Depuis le début des années 2000, des études ont montré qu’une radiothé­rapie et/ou une chimiothérapie à base d’alkylants suivies pendant l’adolescence pouvaient affecter le fonctionnement de l’ovaire et la réserve ovarienne à l’âge adulte.
Les travaux pilotés par Céline Thomas-Teinturier avaient pour objectif de déterminer dans quelle mesure ces altérations pouvaient induire un risque accru de ménopause précoce. À cette fin, les chercheurs ont étudié l’impact sur la réserve ovarienne des doses standards d’alkylants (cyclosphamide, ifosfamide, procarbazine) utilisées dans le traitement des cancers pédiatriques – des doses qui ne sont pas connues pour être stérilisantes. « Ces conditions de traitement concernent la très grande majorité des cas, les doses d’alkylants ayant été réduites au maximum ces dernières années chez les enfants pour permettre une guérison avec un minimum d’effets secondaires », souligne le docteur Thomas-Teinturier.

Un capital folliculaire à la baisse
Les biologistes ont comparé la réserve ovarienne de deux groupes de femmes.
Le premier était constitué de cent cinq femmes guéries d’un cancer pédiatrique (lymphome, leucémie, sarcome) traitées par des alkylants, sans radiothérapie sur la région du petit bassin, une pratique susceptible d’entraîner une altération des ovaires. Le second, un groupe témoin, regroupait vingt femmes du même âge n’ayant jamais reçu de chimiothérapie.
« Nous avons constaté par échographie que les 105 femmes guéries d’un cancer pédiatrique avaient des ovaires plus petits que les femmes non traitées. Par ailleurs, leur taux d’hormone antimüllérienne (AMH), un critère d’évaluation de la réserve en follicules des ovaires, est significativement plus bas », rapporte le docteur Thomas-Teinturier. Un résultat important, suggérant que la fin de la période de fertilité risque de survenir plus tôt chez ces femmes guéries d’un cancer pédiatrique. « L’âge de la première grossesse ayant largement reculé, cela risque d’entraîner chez elles des difficultés à procréer. »
Reste à vérifier le lien réel entre une diminution du capital folliculaire et une réduction de la période de fertilité. En effet, si « l’évaluation de la réserve ovarienne semble un bon facteur de prédiction de taux de grossesse chez les femmes infertiles et soumises aux techniques de procréation médicalement assistée, pour l’heure, nul ne sait si un taux d’hormone AMH bas, qui trahit une réserve ovarienne réduite, est indicatif chez une jeune femme d’une fertilité amoindrie ».

Prédire la fenêtre de fertilité
Les jeunes femmes de 15-18 ans ayant eu un cancer pédiatrique bénéficient d’un bilan de fertilité, au cours duquel la taille des ovaires et le taux d’AMH sont mesurés. Si ce taux est bas, il leur est recommandé de concrétiser leur projet de maternité avant l’âge de 30 ans. « Or, ce message est énormément stressant pour certaines jeunes femmes, qui n’ont pas forcément envie de devenir mamans si jeunes. Un discours de surcroît alarmiste, qui peut s’avérer dans certains cas injustifié, car on ne connaît pas les taux d’AMH qui doivent véritablement être considérés comme inquiétants pour un projet parental. La situation n’est donc pas satisfaisante. »
De nouveaux travaux du docteur Thomas-Teinturier et de ses collègues pourraient toutefois contribuer à changer la donne. « Nous allons recontacter les cent cinq femmes qui ont participé à notre première étude, les suivre tous les cinq ans, noter l’évolution de leurs taux d’AMH et leur compte folliculaire, et répertorier les femmes qui auront été enceintes. » Les informations tirées de ce suivi permettront d’évaluer les taux d’AMH véritablement pertinents pour prédire la période de fertilité au cours des années suivantes.
En pratique, dans le futur, l’ultime objectif est de pouvoir conseiller, individuellement, les jeunes femmes en se basant sur les résultats de leur bilan actuel. « Et pour celles qui ont vraiment une réserve ovarienne faible, nous pourrons leur proposer une préservation de leurs ovocytes par congélation. »

 

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