Le retour a l'emploi des personnes touchees par le cancer 2012
06h00 | Mise à jour : 09h52
Par EMMA SAINT-GENEZ
Landes : retourner au boulot après un cancer
On compte de plus en plus de cancers (2 500 nouveaux cas tous les ans dans les Landes), mais aussi de plus en plus de guérisons. Nécessaire, le retour à l'emploi n'a rien d'évident

15/03/12 DAX LIGUE CONTRE LE CANCER / DEBAT DIFFICULTE DU RETOUR A L EMPLOI 20120315_photo_428A9542 (Louvier Isabelle)
En mai dernier, la petite phrase répétée du ministre Laurent Wauquiez, qualifiant « les dérives de l'assistanat » de « cancer de la société française », a fait tousser plus d'un bénévole dans les rangs de la Ligue contre le cancer et de la médecine du travail.
Hasard du calendrier : c'est une semaine après cette polémique, le 17 mai 2011 exactement, qu'était lancée une nouvelle campagne nationale de sensibilisation visant « à favoriser un regard social moins distant, moins fataliste, moins simpliste sur les cancers et les personnes touchées par la maladie ».
Taux de guérison : 60 %
Car il y a aujourd'hui une vie après le cancer, y compris professionnelle. C'est un des messages qu'a souhaité faire passer le comité landais de la Ligue dans le cadre de la Semaine nationale contre le cancer qui se déroule actuellement (lire ci-contre).
En la matière, les progrés thérapeutiques avancent beaucoup plus vite que la société. « Le cancer reste la première cause de mortalité en France (1) et il y en a 60 % de plus que dans les années 80 », commente le Dr Jean-Claude Arnal, président du comité landais de la Ligue. « Mais le taux de guérison s'améliore de plus en plus et atteint 60 %. On est même à 95 % pour le cancer colorectal ou celui du sein. Il y a 2 500 nouveaux cas par an dans les Landes et 2 millions de Français ont été touchés par la maladie. Des personnes qui ne se résument pas à leur cancer et doivent être accompagnées, y compris dans leur retour à l'emploi. »
Dans le cadre du plan cancer 2 (2009-2013), la mesure 29 a pour but de « lever les obstacles à la réinsertion professionnelle des personnes atteintes de cancer ». Un dispositif multipartenarial a donc été mis en place, et ce dès le parcours de soins à l'hôpital avec le centre de coordination en cancérologie. « Il faut penser à ce retour de bonne heure », expliquent Véronique Rabillon et Aurore Tauzin, assistantes sociales en charge de faire ces liens « pendant et après la maladie. Les infirmières d'annonce en cancérologie font le tour au niveau psychologique et social pour anticiper ce retour et informer des dispositifs existants. Mais tout dépend des personnes. La plupart sont assommées par le diagnostic et n'entendent pas. Le message ne passe pas sur le moment mais le patient en est quand même imprégné ».
Visite de préreprise
Car qui dit perspective de retour à son poste, dit espoir. Encore faut-il être bien informé. Un rôle d'information que peuvent tenir médecin traitant et médecin du travail, chacun à sa place et dans le respect du secret professionnel vis-à-vis des entreprises. « Après le break de la maladie, les patients aspirent à reprendre une activité normale et leur place », souligne le Dr Dominique Dupin, médecin du travail. « Mais cette réinsertion professionnelle reste difficile. Plus le signalement sera précoce, plus il sera facile de chercher et trouver des solutions adaptées. »
En 2010, le service de santé au travail des Landes a mené une enquête sur ce retour à l'emploi. Sur 82 patients atteints d'un cancer, 50 % ont retrouvé leur place sans aménagement, 20 % sur un poste adapté, 5 % en ont changé, 8 % ont été déclarés inaptes et 10 % ont changé de société. « Le pivot, c'est la visite de préreprise », reprend le Dr Dupin. « C'est au salarié de la demander mais aussi au médecin traitant d'y penser. » Pour élaborer au mieux « les projets personnalisés d'après cancer », la médecine du travail emploie aussi des ingénieurs, des ergonomes, des assistantes sociales et des psychologues.
« Désinsertion »
Pour Jacqueline Mazataud, déléguée départementale du service social de la Carsat Aquitaine (Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail), l'essentiel est de rester en contact avec son emploi « ne serait-ce que par téléphone ».
Depuis 3 ans, la Caisse nationale d'assurance maladie se penche de beaucoup plus près sur « la prévention de la désinsertion professionnelle ». « Les actifs vont être amenés à travailler de plus en plus longtemps et les maladies de longue durée sont de plus en plus nombreuses », commente Jacqueline Mazataud. « Cela représente un coût très important pour l'assurance maladie. Plus on intervient et on accompagne les personnes en amont, plus on limite les risques. »
En 2011 dans les Landes (hors canton de Saint-Martin-de-Seignanx, qui dépend de Bayonne), 2 596 assurés se trouvaient ainsi en arrêt de plus de 90 jours, touchées par un cancer, d'autres longues maladies ou accidents du travail. Des personnes auxquelles la Carsat, en réseau avec d'autres partenaires (2), propose « sans imposer » des réunions d'information collectives et des ateliers en petits groupes sur le maintien dans l'emploi.
Les dispositifs existent donc, mais restent méconnus comme en témoignent Aline, 49 ans, en rémission d'un cancer du sein, qui cherche du travail sans savoir comment parler de ses séquelles à un nouvel employeur. Ou Sylvie, 54 ans, contrainte de reprendre son emploi d'assistante de vie sans aménagement, faute d'accès aux bons interlocuteurs. Une vie après la maladie qu'il faut encore gagner, dans tous les sens du terme.
(1) Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause en Aquitaine. (2) L'Agefiph, la Maison landaise des personnes handicapées (MLDP), le Samet (Service d'accompagnement et de maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés), Landes partage, la Ligue contre le cancer.