Soutien à la recherche

De nouvelles molécules contre les cancers réfractaires métastatiques

Labellisée par la Ligue depuis l’année 2018, l’équipe de Raphaël Rodriguez (Institut Curie, Paris) exploite l’addiction des cellules cancéreuses pour le fer afin de développer une nouvelle stratégie thérapeutique contre les tumeurs les plus agressives. Publiés dans Nature, ses derniers résultats constituent une avancée majeure dans cette voie en décrivant comment de petites molécules peuvent cibler et tuer les cellules cancéreuses qui résistent aux traitements actuels et sont à l’origine des métastases[1]. Sont également associées à ces travaux deux autres équipes labellisées, celles dirigées par Juan Iovanna et Christophe Ginestier (Centre de recherche en cancérologie de Marseille).

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Raphael Rodriguez actu recherche

Faire qu’avec le fer soit réglée leur affaire !

Les travaux de l’équipe de Raphaël Rodriguez lèvent progressivement le voile sur l’implication du fer dans la biologie du cancer. Il y a quelques années, l’équipe parisienne a démontré que certaines cellules cancéreuses développent une véritable boulimie de fer. Cette addiction métallique trouve son origine dans le rôle indispensable joué par le fer dans l’activation de différents programmes permettant à ces cellules de s’adapter et, d’une certaine façon, de devenir plus fortes. Ainsi, la captation et l’usage accrus du fer constituent un trait caractéristique des contingents de cellules cancéreuses les plus agressives, celles qui développent une résistance aux traitements conventionnels ainsi que la capacité de migrer pour aller former des tumeurs secondaires, les métastases.

Point d’addiction sans risque

Nonobstant ce caractère vital, le fer peut également se révéler fatal... En effet, la surcharge en fer rend les cellules cancéreuses plus vulnérables à la ferroptose : un type particulier de mort cellulaire régulée* dans laquelle l’accumulation du métal entraîne une série de réactions conduisant in fine à la dégradation des membranes qui maintiennent l’intégrité cellulaire. Si l’exploitation de cette vulnérabilité des cellules cancéreuses constitue une piste thérapeutique séduisante, sa concrétisation nécessite une compréhension fine des mécanismes qui déclenchent et contrôlent la ferroptose.

Le lysosome : là où trône le fer

Et justement, les derniers travaux publiés par Raphaël Rodriguez et ses coauteurs marquent une avancée majeure dans cette compréhension. Experts dans l’étude du vivant au moyen des outils de la chimie (voir encadré plus bas), les chercheurs ont sondé différents types de cellules cancéreuses pour comprendre où et comment se déclenche la ferroptose. Leurs résultats désignent le fer localisé dans les lysosomes*, des compartiments de la cellule essentiels à sa maintenance,  comme le site d’initiation de la ferroptose. Dans ces organites, le fer catalyse la production de différents composés oxydants très réactifs qui attaquent les membranes cellulaires constituées de lipides. Lors de la ferroptose, cette réaction se propage ensuite en cascade jusqu’à la dégradation de la membrane plasmique* causant la mort de la cellule.

Ferroptose à volonté !

Partant de ce résultat, l’équipe a conçu une nouvelle classe de petites molécules, qu’ils ont appelées "dégradeurs de phospholipides", capables d’activer la ferroptose. La structure particulière de ces molécules leur permet à la fois de cibler la membrane plasmique, de s’y accumuler puis d’activer le fer contenu dans les lysosomes pour déclencher la ferroptose. 
L’effet antitumoral d’une de ces molécules, la fentomycin, ou Fento-1, a été évalué in vitro et in vivo sur différents modèles de cancers de mauvais pronostic réfractaires aux traitements conventionnels et prompts à essaimer dans l’organisme (adénocarcinome du pancréas, différents types de sarcome, cancer du sein métastatique). Résultats : l’activité de Fento-1 peut éradiquer in vitro des cellules cancéreuses résistantes au traitement et réduit significativement la croissance tumorale dans des modèles animaux de cancer du sein métastatique.

Avant la ruée vers le fer

L’ensemble de ces résultats confirme que l’activation de la ferroptose au moyen de molécules idoinement conçues constitue une piste solide pour le développement d’une nouvelle stratégie thérapeutique qui pourrait contribuer au traitement des formes de cancers aujourd’hui les plus problématiques. La synthèse de nouveaux dégradeurs de phospholipides encore plus efficaces et aisés à produire et, surtout, la poursuite de l’évaluation de cette stratégie jusqu’aux études cliniques constituent maintenant les nouvelles étapes qu’il faudra franchir avant que l’induction de la ferroptose puisse constituer une voie thérapeutique tangible complémentaire aux traitements conventionnels.

[1] T. Cañeque, L. Baron, S. Müller et al., nature 2025, DOI : DOI :10.1038/s41586-025-08974-4
*voir lexique

Lexique

La mort cellulaire régulée
Les lysosomes
La membrane plasmique
La mort cellulaire régulée

La mort cellulaire régulée, ou programmée, se conçoit comme une sorte de suicide de la cellule par lequel elle met fin à son existence d’une façon ordonnée, contrôlée, de façon à servir, ou ne pas nuire, à l’équilibre de l’organisme auquel elle appartient. L’apoptose constitue le phénomène de mort cellulaire régulée le plus connu et étudié mais il en existe d’autres comme la ferroptose, la nécroptose, la pyroptose, etc.

Les lysosomes

Les lysosomes sont des organistes cellulaires, de petites structures sphériques délimitées par une membrane qui renferment différentes enzymes et composés chimiques leur permettant de dégrader des protéines et des lipides cellulaires et d’assurer ainsi des fonctions de maintenance et de recyclage au cœur des cellules.

La membrane plasmique

La membrane plasmique, ou membrane cellulaire, est principalement constituée de lipides et de protéines ; elle délimite et sépare le volume intérieur de la cellule (encore appelée cytoplasme). Cette membrane joue un rôle vital fondamental en isolant l’intérieur de la cellule et en participant/régulant ses échanges avec le milieu extérieur. 

Chemical biology et cancer, encore une question d’affinité

Dès lors qu’il est question d’avancées marquantes en matière de biologie et de médecine, leurs auteurs sont très souvent des chimistes ou des physiciens : Louis Pasteur, Marie Curie, Otto Warburg, Rosalind Franklin, Max Delbrück, Linus Pauling, Dorothy Crowfoot Hodgkin, etc., difficile d’égrainer une liste exhaustive tant les contributions sont nombreuses. 

Les relations entre biologie et chimie sont évidentes et font l’objet depuis quelques années d’un nouveau champ de recherche qu’on désigne par "Chemical biology", une expression dont la traduction française approximative pourrait être biologie-chimique ou chémobiologie. Dans le domaine de la recherche en cancérologie, la chemical biology utilise des outils conçus par des techniques chimiques pour aller explorer les cellules saines ou malades comprendre leur fonctionnement, à l’échelle de la molécule, parfois de l’atome, et in fine développer de nouvelles approches thérapeutiques ou diagnostiques inédites. 

Depuis une quinzaine d’années les recherches de Raphaël Rodriguez l’ont imposé comme un des meilleurs spécialistes de la chemical biology appliquée au cancer.

Raphaël Rodriguez

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Raphaël Rodriguez chercheur

Raphaël Rodriguez

Raphaël Rodriguez est directeur de recherche au CNRS et co-dirige l’unité de Chimie Biologie des cancers (Inserm U1143 CNRS UMR 3666) à L’institut Curie à Paris. Son équipe bénéficie de la labellisation de la Ligue depuis l’année 2018 a été financée à hauteur de plus de 700 K€. Les recherches qu’il développe sont à l’intersection de la chimie et de la biologie et visent à mettre en évidence, les faiblesses, les addictions des cellules cancéreuses les plus nocives pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques. La très grande valeur de ces travaux lui ont déjà valu de nombreux prix et distinctions internationales.

Biographie

2012 - Directeur de recherche CNRS
2015 - Directeur de l’équipe biologie chimique de l’Institut Curie
2018 - Labellisation Ligue 
2019 - Prix Tétrahedron, création de la société SideROS
2022 - Chevalier de l'Ordre National du Mérite

En savoir plus

Pour découvrir l'interview de Raphaël Rodriguez publiée dans le magazine Vivre de la Ligue, ainsi qu'un synthèse des travaux de Raphaël Rodriguez publiée dans la Brochure « Ligue & recherche sur le cancer : 25 ans de passion », n'hésitez pas à cliquer sur les liens ci-dessous !

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