Chaque année en France, 700 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chez les patients de 15 à 19 ans auxquels il faut rajouter 1 100 cas survenant chez les 20-24 ans et entre 12 et 15 ans. Longtemps ignoré, l’accompagnement spécifique des adolescents constitue aujourd’hui un véritable enjeu de santé publique. Depuis 2004, la Ligue a développé le programme Adolescents et cancer afin d’améliorer leur prise en charge. Au CHU de Strasbourg, le premier Espace jeunes a été inauguré en avril 2012. La solidarité a également brillé dans la nuit de Metz, le 6 octobre, avec l’événement musical Night for Life au profit de ces adolescents et jeunes adultes.

« J’ai 17 ans, l’âge des espérances et des chimères… moi j’appelle cela du printemps. » Arthur Rimbaud, dans Lettre à Théodore de Banville, en 1870, fait de l’adolescence une saison bien particulière de la vie, qui correspond à l’éveil des sens, de l’émotionnel, de l’affectif, mais aussi à une période où l’adolescent est souvent fragilisé, voire vulnérable… Confronté à des problèmes médicaux, comment l’adolescent désemparé va-t-il trouver sa place dans les établissements de santé ? D’autant que ces jeunes, qui ne sont plus tout à fait des enfants, mais pas encore des adultes, nécessitent des soins spécifiques. Pour les accompagner, la Ligue contre le cancer a initié en 2004 l’action "Adolescents et cancer" et développé des programmes de recherche dédiés à cette population de patients avec le soutien des centres E. Leclerc. « Le système français ne proposait pas de prise en charge spécifique pour les 12-24 ans, que ce soit sur le plan thérapeutique ou psychologique, explique Franck Chauvin, professeur de santé publique et administrateur de la Ligue contre le cancer. En France, le système de santé sépare les populations en deux : les enfants sont accueillis dans les services d’oncopédiatrie et ceux de plus de 16 ans sont orientés vers les services pour adultes. En revanche, au Royaume-Uni, la situation est différente, les jeunes patients de 12 à 25 ans sont regroupés ensemble. »

Un état des lieux pour mieux informer

Dans un premier temps, la Ligue a procédé à un état des lieux global de la question du cancer des adolescents en France. Les résultats publiés en 2007 dans un numéro spécial du Bulletin du Cancer* confirment que cette tranche d’âge bénéficie de traitements différents suivant qu’elle est prise en charge en pédiatrie ou chez les adultes, dont la moyenne d’âge est de 65 ans. Pour Franck Chauvin, « un tel cloisonnement a des conséquences psychologiques, mais également thérapeutiques qui modifie les chances de guérison. Pourquoi ? Parce que les adolescents qui peuvent supporter des doses bien plus fortes que les adultes, notamment en chimiothérapie, sont traités avec des protocoles dédiés à des patients de catégories d’âge supérieures qui ne permettent pas de soigner leur tumeur de façon idoine. »

Ensuite, la Ligue contre le cancer s’est appuyée sur un appel à projets de recherche annuel qui privilégie les études cliniques et épidémiologiques, les études relatives à l’information ou les programmes d’éducation thérapeutiques et enfin les études concernant les conséquences psychologiques, familiales et sociales du cancer de l’adolescent et du jeune adulte. Depuis 2005 (date du premier appel à projet), 24 projets de recherche ont été financés par la Ligue contre le cancer pour un montant de plus de 1,8 million d’euros. « Aujourd’hui, nous engageons des projets de recherche privilégiant les complications liées aux conséquences psychologiques et aux problèmes de stérilité. Alors que ce dernier sujet est majeur pour l’avenir des adolescents, il n’est pratiquement jamais abordé : seulement 30% se souvenaient que l’on avait évoqué cette question avec eux sans même leur proposer de solutions. Nous avons donc lancé des études sur les moyens de préservation du sperme chez les garçons et des ovocytes chez les jeunes filles. »

Un Espace jeunes inauguré à Strasbourg

Dans le prolongement, la Ligue a inauguré, le 25 avril 2012, le premier Espace jeunes au CHU de Strasbourg avec l’ambition de pouvoir essaimer ces espaces de vie partout en France. Coin repas, accès Internet, coin détente… cet espace offre un environnement plus adapté aux modes de vie des adolescents. Aujourd’hui, la spécificité de ces cancers est mieux prise en compte, notamment dans le Plan cancer 2009-2013. Depuis dix ans, des progrès ont été accomplis dans la structuration de l’offre de soins. « Désormais, des collaborations fortes entre médecine adulte et cancérologie pédiatrique ont pu être développées pour mettre en place des protocoles communs au profit des adolescents et jeunes adultes. Le travail réalisé en matière d’approche psychologique a également porté ses fruits dans la plupart des grands centres où de nombreux psychologues ou psychiatres sont désormais spécialisés dans la prise en charge de ces jeunes. Le problème des complications et des stérilités sera prochainement repris par l’INCa (Institut national du cancer) à travers un guide d’information pour mieux faire connaître cette problématique. Il sera suivi dans les cinq prochaines années de recommandations très claires sur la prévention de la stérilité chez les adolescents et les jeunes adultes », conclut Franck Chauvin. ■

Gilles Girot

 

 

Trois questions à…

Marie-Christine Triquet, PDG du centre E. Leclerc de La Ferté-Macé (Orne)

 

Comment est né ce partenariat avec la Ligue ?

L’histoire a débuté dans notre magasin de La Ferté-Macé où l’on a mis en place ce partenariat pour récolter des fonds au profit des jeunes malades. La Ligue nous a proposé d’axer notre action en direction du public des adolescents. Entre l’enfance et l’âge adulte, les adolescents ont besoin d’une prise en charge médicale et psychologique vraiment spécifique. Cette opération locale est rapidement devenue nationale, en se concrétisant à travers un partenariat avec la Ligue dès 2003.

 

Comment avez-vous mis en place cette opération ?

Encadrés par la Ligue, des jeunes de 8 à 16 ans, issus des clubs sportifs que nos magasins Leclerc sponsorisent, viennent récolter des fonds. En effet, on s’est aperçu qu’il existait un réel besoin de ressources pour accompagner les jeunes malades, mais aussi pour développer des actions de recherche. Depuis le début de notre engagement, nous avons déjà réussi à récolter 1,5 million d’euros, dont 1 000 euros sont versés par chaque magasin E. Leclerc participant à l’opération.

 

Le personnel Leclerc est-il sensibilisé à cette lutte ?

Les caissières arborent un T-shirt avec le leitmotiv de l’opération : « Tous unis contre le cancer de l’adolescent ! » Cette action possède aussi une vertu pédagogique auprès des jeunes qui apprennent le sens du mot solidarité en se mobilisant pour des adolescents qui sont malades. Les centres Leclerc, les jeunes des associations sportives et la Ligue contre le cancer forment un véritable triptyque. Mais l’aboutissement est vraiment l’ouverture de l’Espace jeunes à Strasbourg.

 

 

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