Une collaboration internationale dirigée par Wolf Hervé Fridman au Centre de recherche des Cordeliers (Paris) a montré que certaines cellules immunitaires, les lymphocytes B, jouent un rôle essentiel dans la réponse à l’immunothérapie des patients touchés par un sarcome des tissus mous.
 
 
 
 

IMMUNOTHÉRAPIE

 

Sarcome des tissus mous : les clés d’une immunothérapie efficace

 
Une collaboration internationale dirigée par Wolf Hervé Fridman au Centre de recherche des Cordeliers (Paris) a montré que certaines cellules immunitaires, les lymphocytes B, jouent un rôle essentiel dans la réponse à l’immunothérapie des patients touchés par un sarcome des tissus mous. 
 
PAR CORINNE DRAULT
 
 
Les travaux de l’équipe – rassemblant des chercheurs de l’Inserm, de Sorbonne Université et de l’Université de Paris au Centre de recherche des Cordeliers, en collaboration avec l’équipe Cartes d’Identité des Tumeurs® (CIT) de la Ligue contre le cancer et l’Institut Bergonié (Bordeaux), ainsi que des équipes américaines et taïwanaises – ont mis en évidence que la présence de lymphocytes B dans les tumeurs pourrait être indicative de la réponse des patients à l’immunothérapie. Avec ce résultat se profile un réel espoir d’amélioration et de personnalisation des traitements des sarcomes des tissus mous.
Se développant dans les tissus graisseux, fibreux, ou encore les vaisseaux sanguins et lymphatiques, les sarcomes des tissus mous sont des cancers agressifs et résistants à la chimiothérapie. Certes, des progrès ont été accomplis, ces dernières années, notamment grâce à l’immunothérapie dont le principe consiste à renforcer l’activité antitumorale des défenses immunitaires des patients. Toutefois, un petit nombre de patients répondent aujourd’hui à cette thérapie dans les essais cliniques. Dans ce contexte, mieux comprendre les déterminants de la réponse immunitaire antitumorale et identifier des marqueurs prédisant la réponse à l’immunothérapie constituent des enjeux essentiels pour améliorer cette approche thérapeutique et éviter d’exposer inutilement des malades à sa toxicité.
Jusqu’à maintenant, les recherches étaient focalisées sur les lymphocytes T, des cellules immunitaires capables de reconnaître et de  tuer spécifiquement les cellules devenues dangereuses pour l’organisme en raison de leur transformation cancéreuse ou de leur infection. Wolf Hervé Fridman et ses coauteurs se sont mis en quête d’autres biomarqueurs potentiels.
 
 
Tumeurs immunologiquement riches
 
En analysant plus de 600 tumeurs, les chercheurs ont mis en évidence que celles-ci pouvaient être classées en trois groupes différents selon la composition de leur microenvironnement(1) : des tumeurs « immunologiquement riches », des tumeurs « immunologiquement pauvres » et des tumeurs « fortement vascularisées ». 
Autre résultat crucial, les scientifiques ont pu mettre en évidence qu’une réponse immunitaire antitumorale pouvait s’initier dans certaines tumeurs « immunologiquement riches ». Ces dernières présentent dans leur environnement immédiat des agrégats de lymphocytes, riches en lymphocytes B, les cellules responsables de la production des anticorps. L’observation de ces agrégats, ou structures lymphoïdes tertiaires (SLT), a montré qu’ils étaient le siège d’une réponse immunitaire dirigée contre les tumeurs, un indice suggérant une activité antitumorale des lymphocytes B. 
Cette hypothèse avait de quoi surprendre ; en effet, la présence de lymphocytes B dans les tumeurs a parfois été considérée comme un facteur de mauvais pro-nostic. Elle a toutefois été confortée par les résultats d’un essai clinique dans lequel les patients présentant une tumeur « immunologiquement riche » se caractérisaient par un  taux de réponse élevé, de l’ordre de 50 %, à l’immunothérapie avec l’anticorps pembrolizumab. En outre, ces patients présentent un taux de survie plus élevé que ceux ayant des tumeurs immunologiquement pauvres ou fortement vascularisées.
Plus encore, deux autres recherches, l’une menée par une équipe américaine en lien avec le professeur Fridman et l’autre par une équipe suédoise, ont montré des résultats concordants, cette fois-ci dans le mélanome et le cancer du rein.
 
 
Marqueurs et acteurs
 
Dès lors, des perspectives s’ouvrent à deux niveaux. « Les SLT peuvent servir de marqueur pour sélection-ner les patients répondeurs à l’immunothérapie et ainsi guider la décision clinique », explique le professeur Fridman. Pour l’heure, un essai clinique multicentrique français, coordonné par le professeur Antoine Italiano (Institut Bergonié) et sélectionnant les patients grâce à un test d’identification du groupe « immunologiquement riche », est actuellement en cours au sein du Groupe Sarcome Français. 
En pratique, si l’essai est positif, la prise en charge des patients atteints de sarcome pourrait être améliorée prochainement en proposant l’immunothérapie uniquement aux malades susceptibles d’y répondre. Et les retombées de ces travaux ouvrent, pour le professeur Fridman, d’autres perspectives thérapeutiques : « Nous pouvons essayer d’induire la formation des SLT, car ces structures sont également actrices dans la réponse antitumorale ». 
Le rôle des lymphocytes B serait double. « D’une part, ils activeraient les lymphocytes T pour tuer les cellules can-céreuses et, d’autre part, ils produiraient des anticorps neutralisant les cellules tumorales. » D’ores et déjà, plusieurs équipes dans le monde travaillent sur différentes pistes visant à stimuler la formation de ces agrégats (virus oncolytiques, facteurs protéiques…). 
La présence des SLT est variable selon les cancers, avec par exemple de nombreux cas pour celui du poumon et du côlon et seulement quelques cas pour  les glioblastomes. 
 
 
(1) On qualifie de microenvironnement l’ensemble des éléments non tumoraux associés aux tumeurs : cellules du système immunitaire, fibroblastes, vaisseaux sanguins, molécules diverses.
 
 

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