La dénutrition est l’une des complications fréquentes des cancers et de leurs traitements. Quand on sait qu’à pathologie égale, un patient dénutri a un risque de mortalité plus important qu’un patient non dénutri, ce mal doit être pris très au sérieux. D’où la nécessité de le prévenir et de le traiter.
ALIMENTATION
Prévenir la dénutrition quand on est malade
La dénutrition est l’une des complications fréquentes des cancers et de leurs traitements. Quand on sait qu’à pathologie égale, un patient dénutri a un risque de mortalité plus important qu’un patient non dénutri, ce mal doit être pris très au sérieux. D’où la nécessité de le prévenir et de le traiter.
PAR LINDA TAORMINA
La Haute Autorité de santé définit la dénutrition chez l’adulte par l’association de deux critères. « Un critère phénotypique, d’une part, correspondant soit à une perte de poids, soit à un indice de masse corporel faible ou à une diminution de la masse ou de la fonction musculaire. Et un critère étiologique, d’autre part, qui est déterminé par une réduction de la prise alimentaire, ou un problème d’absorption des nutriments ou encore une situation d’agression comme un cancer, au cours duquel la consommation de protéines par la tumeur est augmentée », résume Damien Vansteene, oncologue médical spécialisé dans la nutrition au sein de l’InterCLAN des centres de lutte contre le cancer (lire encadré ci-dessous).
Des causes multifactorielles
Les causes de la dénutrition chez une personne malade sont multiples. Dans le cas de certains cancers, la cellule tumorale augmente les dépenses énergétiques du patient. Et une partie des calories de l’alimentation est directement absorbée par la tumeur. « C’est ce qu’on appelle le processus de piraterie métabolique », explique Damien Vansteene. Autre cause possible : les effets secondaires liés à la maladie elle-même ou aux traitements. « Un patient qui présente des nausées et des vomissements sous chimiothérapie ou encore de la fatigue, une douleur ou une gêne pour respirer, par exemple, aura forcément plus de mal à s’alimenter », ajoute-t-il. Sans compter certains médicaments anticancéreux qui coupent la sensation de faim. Dans d’autres cas, certains patients présentent des troubles digestifs importants. « Le malade risque alors de perdre des nutriments essentiels à son organisme car leur absorption intestinale ne va pas se faire normalement. » Les atteintes du péritoine peuvent aussi comprimer le tube digestif et provoquer ainsi une occlusion intestinale. Enfin, lorsque la prise alimentaire se trouve perturbée, le patient peut souffrir d’une dérégulation cérébrale. « Le cerveau envoie un signal de perte d’appétit et de sensation de satiété précoce au malade, ce qui peut favoriser un état de dénutrition. »
Mieux vaut prévenir…
Lorsqu’un patient voit ses apports nutritionnels quotidiens diminuer, cela signifie que l’alimentation ne permet plus de couvrir tous ses besoins énergétiques et protéiniques. Pour le patient atteint de cancer, les besoins protéiniques sont plus élevés que chez quelqu’un de bien portant, de l’ordre de 1,2 à 1,5 g/kg/ jour, contre 0,8 g/kg/jour ! Par exemple, un adulte de 65 kg a besoin de 80 à 100 g de protéines ; un steak haché ou une portion de saumon cru apportent environ 20 g de protéines, deux oeufs entre 12 et 18 g, un bol de lait 10 g, un yaourt nature 5 g. Il y a alors un risque important que la dénutrition s’installe. Et lorsque c’est le cas, les complications peuvent être sévères. « Les patients sous chimiothérapie, par exemple, voient l’efficacité du traitement diminuer, voire ce dernier devenir plus toxique. Et chez ceux qui doivent être opérés, les complications peuvent être importantes pendant la chirurgie, et la durée de séjour à l’hôpital s’allonge », indique Damien Vansteene. Pour éviter d’en arriver à un stade de dénutrition avéré, le mieux, c’est le dépistage. « Pour cela, il faut peser régulièrement les malades pour détecter rapidement une perte de poids, dès les premiers kilogrammes. Et évaluer leurs apports alimentaires par un questionnaire précis. Il faut aussi évaluer la quantité de la masse musculaire par des analyses de composition corporelle, une évaluation de la force musculaire, de la vitesse de la marche… », préconise-t-il. Bref, le mieux est d’agir avant que la dénutrition ne s’installe.
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Deux instances au service de la nutrition
Le réseau NACRe
Le réseau NACRe réunit des équipes de chercheurs qui développent des projets de recherche pluridisciplinaires sur des thématiques relatives à la nutrition, à l’alimentation et au cancer. Sa mission est aussi de synthétiser et diffuser les connaissances validées auprès des agences de santé, des professionnels de santé, des patients et du grand public.
www6.inrae.fr/nacre - @reseaunacre
L’InterCLAN des centres de lutte contre le cancer
Les CLAN, ou Comités de liaison alimentation nutrition, ont été créés pour piloter la politique de prise en charge nutritionnelle des patients dans les établissements de santé. Chaque centre de lutte contre le cancer est doté d’un CLAN qui regroupe des médecins, des diététiciens, des pharmaciens et des soignants. Les CLAN des 18 centres de lutte contre le cancer (CLCC) sont réunis au sein de l’InterCLAN des CLCC.
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En 2012,
39 % des patients
étaient dénutris, tous types de
cancers et tous stades confondus
(source : étude NutriCancer 2012).
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Comment limiter les risques de dénutrition ?
Le rôle du diététicien et du médecin nutritionniste est primordial dans la prévention de la dénutrition chez une personne atteinte d’un cancer.
Mesures diététiques
• Traiter les symptômes responsables de la dénutrition (nausées, vomissements, diarrhées…).
• Enrichir l’alimentation en calories et en protéines.
• Fractionner les repas tout au long de la journée pour faciliter leur prise, faire des collations.
• Stimuler la prise alimentaire en retrouvant une certaine convivialité au moment des repas, par le simple fait de cuisiner, de présenter une belle assiette…
• Limiter les régimes restrictifs (sans sel, diabétique, hypocholestérolémiant…) après avis de son médecin.
Mesures de prescription
• Prise de compléments nutritionnels oraux.
• Pour les cas les plus sévères, nutrition artificielle par sonde d’alimentation ou par perfusion.
• Pratique d’une activité physique adaptée pour augmenter la masse musculaire, diminuer les risques de rechute ou encore atténuer certains effets secondaires liés aux traitements contre le cancer.
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Régimes restrictifs : attention, danger !
Depuis quelques années, le jeûne et les régimes restrictifs (en calories, en glucides, en protéines…) font l’objet d’un réel engouement de la part du grand public du fait d’une large médiatisation de leur pratique et de leurs potentiels effets sur le bien-être, la réduction du risque de maladies comme certains cancers ou même l’efficacité et la tolérance des traitements associés. « Seulement, l’analyse globale des connaissances scientifiques disponibles ne permet pas de conclure à l’intérêt de ces régimes à l’égard des cancers », observe Paule Latino-Martel, chercheuse et coordinatrice du réseau NACRe (lire encadré p. 23). En effet, les études chez l’être humain sont peu nombreuses et de faible qualité. « Si plusieurs centaines d’études expérimentales sur les animaux de laboratoire ont été publiées, celles-ci présentent des résultats divergents et des limites importantes qui ne permettent pas d’extrapoler directement les résultats à l’être humain », explique-t-elle.
Pas de preuve d’un quelconque bénéfice
La revue systématique et l’analyse des données scientifiques concernant le jeûne et les régimes restrictifs montrent qu’il n’y a pas de preuve d’un effet protecteur chez l’être humain en prévention primaire ou d’un effet bénéfique pendant la maladie. « Et chez les personnes malades, la perte de poids et de masse musculaire observée dans les études cliniques suggère un risque d’aggravation de la dénutrition, facteur pronostique péjoratif reconnu au cours des traitements. Cela appelle à une vigilance et à un dialogue avec l’équipe médicale pour les patients qui voudraient suivre un régime restrictif », prévient-elle.
En savoir +
Dépliant grand public et patients « Jeûne et cancer » : www6.inrae.fr/nacre/Le-reseau-NACRe/Publications/Depliant-NACRe-grand-public-patients-jeune-cancer
Prévenir la dénutrition au cours du cancer et son traitement : www6.inrae.fr/nacre/Pendant-le-cancer/Prevenir-la-denutrition-au-cours-du-cancer-et-son-traitement
Collectif de lutte contre la dénutrition : www.luttecontreladenutrition.fr