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Quels liens existent-ils entre dépression et cancer ?

« J’ai vécu cet épisode horrible qui m’a dévasté, et quelques semaines plus tard, on m’a diagnostiqué un cancer… » Ce type de témoignage, évoquant un lien entre choc psychologique, dépression et apparition d’un cancer, revient souvent dans les conversations ou les médias. Pour certains, il semble aller de soi que la souffrance morale puisse « ouvrir la porte » à la maladie. Les résultats accumulés par la recherche sur ces liens potentiels se distinguent toutefois de ce raisonnement simpliste et mettent en évidence une relation complexe, dont il est encore difficile de totalement dénouer l’écheveau.

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Journée européenne de la dépression 2025

De la dépression au cancer ?

Depuis une trentaine d’années, de nombreuses études épidémiologiques ont tenté d’établir un lien entre dépression et risque accru de cancer. Les résultats, toutefois, demeurent contradictoires. Certaines recherches ont observé une incidence légèrement plus élevée (de 10 à 30 %) chez les personnes dépressives, tandis que d’autres n’ont trouvé aucune association significative.

Ces résultats inconsistants trouvent leur origine dans la grande variabilité de la qualité des études épidémiologiques et dans une hétérogénéité méthodologique qui rend leur interprétation difficile. Un consortium international, PSY-CA, associant des chercheurs des Pays-Bas, du Canada, de Norvège et de Grande-Bretagne, a été mis sur pied en 2021 afin d’étudier cette question selon une méthodologie beaucoup plus rigoureuse et de dépasser les limites des précédentes méta-analyses. Décrits simplement, les avantages de cette approche permettent l’obtention de résultats mieux contrôlés, moins susceptibles aux biais et, in fine, plus fiables.

Menés à partir des données de 18 cohortes épidémiologiques, leurs travaux, publiés en 2022, n’ont pas pu mettre en évidence de lien direct entre la dépression (ou l’anxiété) et le risque de cancer du sein, de la prostate, du côlon-rectum, ainsi que des cancers liés à la consommation d’alcool[1]. Seul le risque de cancer du poumon, et d’autres cancers liés au tabac, a pu être associé de façon significative, mais très limitée, à la dépression et à l’anxiété.

[1] L. A van Tujil, eta, cancer2023. DOI : 10.1002/cncr.34853

Et quand le cancer est là

Si la dépression ne semble pas provoquer le cancer, elle n’en reste pas moins un enjeu majeur après le diagnostic. On estime qu’elle touche entre 20 et 30 % des personnes atteintes de cancer. De fait, l’annonce de la maladie constitue en elle-même un stress majeur et une épreuve particulièrement difficile à surmonter sur le plan psychologique. À ce fardeau psychologique viennent s’ajouter le stress physiologique lié à la maladie, la lourder de son traitement, la fatigue et d’autres effets secondaires, etc., autant de facteurs de vulnérabilité psychologique.

Cette dépression a des conséquences bien réelle : elle altère la qualité de vie, peut réduire l’adhésion au traitement et pourrait même impacter négativement l’évolution de la maladie et la survie. Ainsi, une méta-analyse fondée sur l’analyse de 65 cohortes différentes a récemment mis en évidence une augmentation significative de la mortalité spécifique pour plusieurs types de cancer : + 83 % pour le cancer colorectal, + 74 % pour le cancer de la prostate, + 59 % pour le cancer du poumon, + 23 % pour le cancer du sein.

Ces résultats, parmi d’autres, soulignent l’importance d’un dépistage systématique de la détresse psychologique chez les patients, de façon très précoce, afin de pouvoir mettre en place l’accompagnement et les interventions les plus adaptées, psychologique, social ou médicamenteux (voir encadré). En effet, au-delà de son impact sur la qualité de vie, cette prise en charge pourrait contribuer à améliorer les chances de survie.

Si l’intrication du cancer et de la dépression demeure un sujet sur lequel la recherche doit progresser, l’état actuel des connaissances ne permet pas d’établir un lien entre la survenue de la maladie et l’état dépressif. En revanche, l’altération de la qualité de vie due à la dépression et l’impact négatif potentiel de celle-ci sur le pronostic nécessitent que la prise en charge du cancer intègre systématiquement une dimension psychologique.

Vous n'êtes pas seul.e.s

La Ligue contre le cancer propose des services d’accompagnement adaptés visant à améliorer votre prise en charge et votre qualité de vie pendant et après la maladie. Elle est présente pour vous sur tout le territoire.

En contactant le numéro vert 0 800 940 939 et en tapant 1, vous pouvez accéder à un service d’écoute et de soutien, anonyme et confidentiel, assuré par des psychologues. Ce service s’adresse à toute personne concernée par la maladie, quel que soit le moment (en attente de résultats, suite à une annonce, au cours de traitements, l’après cancer, etc.).

Et le cancer du sein dans tout ça ?

Une étude soutenue par la Ligue et menée par l’équipe du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (Inserm 1018, Faculté de médecine Paris-Saclay, Univ. Paris-Saclay, Le Kremlin-Bicêtre), à partir de la cohorte E3N, apporte de nouveaux éclairages sur les liens entre dépression, antidépresseurs et cancer du sein. Ses résultats suggèrent que la dépression augmente le risque de cancer du sein, tandis que la prise d’antidépresseurs pourrait au contraire le réduire.

La dépression et la prise d’antidépresseurs sont suspectées pouvoir influencer le risque de cancer du sein selon plusieurs mécanismes distincts dont les effets pourraient être antagonistes : d’une part, par des comportements de santé défavorables (alcool, sédentarité, alimentation), d’autre part, via des processus biologiques comme l’inflammation et la régulation de la sérotonine.

Jusqu’à présent, les études épidémiologiques conduites pour démêler l’écheveau de ces effets n’ont pas apporté de résultats probants. Pour y voir plus clair, des chercheurs du CESP ont réalisé une étude sur 48 000 femmes de la cohorte E3N (suivies entre 2005 et 2014), en prenant en compte à la fois la dépression et la prise d’antidépresseurs afin d’évaluer l’effet propre de l’un ou de l’autre sur le risque de cancer du sein. Au cours de cette période, 1 365 cancers du sein ont été déclarés. Près d’une femme sur quatre présentait des signes de dépression au début du suivi et un peu plus d’une sur cinq a pris un traitement antidépresseur.

L’analyse de ces données, intégrant les facteurs de risque de cancer du sein déjà connus, a montré que la dépression, indépendamment de la prise d’antidépresseurs, était associée à une augmentation de 14 % du risque de cancer du sein. De façon opposée, la prise d’antidépresseurs, indépendamment de la dépression, était associée à une incidence réduite de 15 %.

Par ailleurs, les femmes déprimées ne prenant pas d’antidépresseurs présentaient un risque de cancer du sein augmenté de 17 %, alors que celles dans la même situation mais traitées n’avaient pas de majoration de ce risque.

Enfin, seule la prise d’antidépresseurs pendant plus de deux ans était associée à une diminution significative du risque de cancer du sein (-20 %) ; pris moins de six mois, le risque restait inchangé.

Si ces résultats inédits méritent d’être confirmés par d’autres travaux, ils incitent à améliorer l’adhésion des femmes dépressives à leur traitement, avec le bénéfice potentiel d’une atténuation de leur risque accru de cancer du sein.

Pour en savoir plus, lire en ligne un article expliquant ce résultat sur le site de l’étude E3N

Journée européenne de la dépression

La Journée européenne de la dépression (European Depression Day) est célébrée chaque année autour du 27 octobre — la date pouvant légèrement varier selon les pays. Cette journée a été instaurée en 2004 par l’European Depression Association (EDA), une organisation non gouvernementale basée à Bruxelles, regroupant psychiatres, psychologues, chercheurs, associations de patients et institutions de santé.

L’objectif initial était clair : rompre le silence autour de la dépression, une maladie encore trop stigmatisée, et favoriser la reconnaissance de sa dimension médicale et sociale à l’échelle européenne.

Aujourd’hui, plus de 30 pays européens y participent, soutenus par des ministères de la santé, des hôpitaux, des universités et de grandes associations comme France Dépression, EUFAMI ou Mental Health Europe.

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