Le programme "Douleurs et cancers"
Il est estimé qu’un patient sur deux atteint ou ayant eu un cancer souffre de douleurs chroniques et que 10 à 15 % des patients traités présentent des douleurs rebelles. À cela se rajoutent des inégalités de prise en charge liées au lieu de vie, aux étapes de la maladie, etc.
L’évaluation et la prise en charge des douleurs liées aux cancers et leur traitement constituent un véritable enjeu de santé publique qui doit être mieux appréhendé.
La Ligue et le programme "Douleurs et cancers"
Le soutien de la Ligue
Si la Ligue a déjà financé des projets de recherche contre les douleurs associées au cancer principalement dans le cadre de son soutien à la recherche clinique, elle a souhaité aller plus loin en lançant en 2022/2023 un nouveau programme de soutien à la recherche et l’innovation associant :
- le Prix Axel Kahn "Douleurs et cancers", qui valorise des recherches, des progrès, des réalisations qui permettent de mieux connaitre, traiter et prendre en charge les douleurs associées aux cancers. Découvrir l'article sur la quatrième édition et les lauréats 2025 du prix Axel Kahn.
L’appel à projets "Lutte contre les douleurs liées aux cancers"
La prise en charge des douleurs liées au cancer ne constitue pas un sujet délaissé en France, mais force est de constater qu’elle reste trop souvent une pierre d’achoppement sur le parcours de la personne malade.
Il est aujourd’hui dénombré en France 120 000 patients souffrant de douleurs liées au cancer.
Traiter cette douleur complexe, multimorphe, qui s’ajoute à une maladie constituant elle-même un problème de santé publique majeur et évolutif (augmentation de l’incidence, nouvelles populations à risque, chronicisation, tableaux cliniques inédits, inégalités de prise en charge liées au lieu de vie) ne saurait trouver de solution simple.
Face à ce constat, le Conseil d’administration de la Ligue a décidé de faire des douleurs liées aux cancers et de leurs traitements un axe d’action majeur en lançant un nouveau programme de soutien à la recherche et à l’innovation : « Douleurs et cancers ». Dans ce cadre, l’appel à projets « Lutte contre les douleurs liées aux cancers » doit permettre le financement de tout un continuum de recherche, depuis l’évaluation de pratiques de soin innovantes jusqu’à des approches fondamentales de la biologie de la douleur.
L’ensemble des acteurs des sciences de la douleur peut donc trouver dans ce dispositif un soutien pour développer de meilleures prises en charge ainsi que des thérapies innovantes et mieux ciblées.
L’ambition de cet appel à projets est de soutenir une recherche novatrice se déclinant en cinq axes thématiques principaux, recouvrant à la fois les approches cliniques ou sociétales et la recherche fondamentale :
- face à la problématique de la douleur (postures relationnelles, représentations des patients et soignants incluant leur évolution sociétale ; évaluation du vécu et/ou de la qualité de vie ; analyse des inégalités de prise en charge ; etc.) ;
- évolution des outils d’évaluation de la douleur (révision/adaptation des méthodologies d’évaluation en fonction de l’évolution des thérapies ; auto-évaluation ; typologies des douleurs dues à la maladies et induites par les traitements ; etc.) ;
- évaluation de l’efficacité des traitements et de leur tolérance (optimisation de la prise en charge des douleurs induites, rebelles et séquellaires ; facteurs biologiques prédictifs de réponse et de tolérance ; adaptation des traitements ; etc.) ;
- soutien aux dispositifs/réseau d’accompagnement et/ou de formation des soignants pour une prise en charge sécurisée (amélioration de l’accès aux centres de référence ; optimisation des modalités de délivrance des traitements antidouleur en dehors de l’hôpital ; etc.) ;
- mécanismes physiopathologiques de la douleur (mécanismes biologiques, identification de nouvelles voies, médiateurs et cibles, etc.).
Lutter contre les douleurs liées aux cancers
Dix-sept propositions de projet ont été déposées en réponse à la troisième édition de cet appel à projets, ouvert en janvier 2025.
Le Conseil d’administration de la Ligue, réuni le 9 octobre 2025, a approuvé, sur proposition du Conseil scientifique national, le soutien de six nouveaux projets d’une durée de deux à cinq ans, sélectionnés par une commission d’évaluation ad hoc. Des résumés simplifiés de ces projets sont consultables ci-dessous. Le montant total de leur financement s’élève à 1,93 M€.
La liste des projets en cours de soutien en 2026 est consultable dans le document ci-dessous.
Le projet porté par Anne Balossier
Le projet porté par Anne Balossier
Intérêt de la stimulation cordonale postérieure dans les douleurs neuropathiques post-chimiothérapie
La neuropathie douloureuse post-chimiothérapie est un effet indésirable fréquent, pouvant toucher entre 30 et 50 % des patients traités pour un cancer. Si elle régresse généralement après l’arrêt de la chimiothérapie, elle peut persister et devenir chronique, entraînant une forte altération de la qualité de vie ainsi qu’une fatigue marquée. Aucun traitement prophylactique n’existe encore, et seule la duloxétine est recommandée en cas de douleurs chroniques, avec une efficacité limitée. D’autres options (antidépresseurs tricycliques, antiépileptiques, capsaïcine, lidocaïne, cannabinoïdes) peuvent être proposées, mais les données disponibles restent insuffisantes.
La stimulation cordonale postérieure est une technique qui utilise des dispositifs conçus pour délivrer une stimulation électrique à visée antalgique grâce à des électrodes implantées au niveau des cordons postérieurs de la moelle épinière. Son innocuité, son efficacité et son rapport coût-efficacité ont déjà été démontrés dans le traitement des douleurs neuropathiques post-chirurgie du rachis ou de la neuropathie diabétique douloureuse. La question se pose donc de son utilisation dans la prise en charge des neuropathies douloureuses post-chimiothérapie, alors que très peu de données sont disponibles dans la littérature scientifique et médicale.
Le projet porté par Anne Balossier constitue le premier essai contrôlé randomisé prospectif évaluant l’effet de la stimulation cordonale postérieure dans la neuropathie douloureuse post-chimiothérapie. L’étude évaluera le soulagement de la douleur, les effets neurologiques et électrophysiologiques, ainsi que l’impact sur la qualité de vie, afin d’en définir la place dans la prise en charge.
Anne Balossier - Service de Neurochirurgie Fonctionnelle et stéréotaxique, Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille, La Timone, Marseille
Le projet porté par Kerstin Faravel
Le projet porté par Kerstin Faravel
PREHAB KINE LGD : une étude clinique évaluant l’impact sur la douleur et la mobilité de l’épaule d’une pré-habilitation par kinésithérapie et mécano-stimulation chez des patientes opérées d’une reconstruction mammaire par lambeau du grand dorsal
La reconstruction mammaire par lambeau du grand dorsal est une technique fréquente, reconnue pour sa fiabilité. Cependant, cette chirurgie peut entraîner des effets secondaires pouvant persister plusieurs mois, voire plusieurs années après l’opération : douleurs, gêne fonctionnelle de l’épaule et difficultés dans les gestes du quotidien.
Le projet PREHAB KINE LGD, porté par Kerstin Faravel, vise à évaluer une nouvelle approche de préparation des patientes avant leur reconstruction. Il s’agit d’un programme de pré-habilitation associant kinésithérapie (entretien de la mobilité et de la force musculaire) et mécano-stimulation (assouplissement des tissus cutanés et musculaires).
Conduite sur trois ans auprès de patientes suivies à l’Institut régional du Cancer de Montpellier (ICM) et à l’Institut Bergonié à Bordeaux, cette étude doit déterminer si ce programme réduit significativement la douleur et améliore la récupération de la mobilité de l’épaule. En cas de résultats positifs, il pourrait être proposé plus largement afin d’améliorer le vécu des femmes ayant subi une reconstruction mammaire.
Kerstin Faravel - Département de soins de support, Institut du Cancer de Montpellier, Centre de Lutte Contre le Cancer, Montpellier
Le projet porté par Abdelmalek Ghimouz
Le projet porté par Abdelmalek Ghimouz
ESKETADO : utilisation de l’Eskétamine pour traiter les douleurs neuropathiques rebelles en oncologie
Les cancers traités par chimiothérapie, chirurgie et radiothérapie peuvent induire des douleurs neuropathiques chroniques qui dégradent progressivement la qualité de vie. Le traitement standard de ces douleurs est fondé sur des recommandations internationales et françaises. Il comprend des antidépresseurs et des antiépileptiques, associés aux patchs de lidocaïne, à la neurostimulation électrique transcutanée, à l’application de patchs de capsaïcine ou aux injections de toxine botulique.
Ces traitements peuvent être inefficaces et induire des effets secondaires intolérables, qui altèrent encore davantage la qualité de vie des patients. L’eskétamine est un agent anesthésique doté d’un effet anti-hyperalgésique qui pourrait constituer une nouvelle alternative. Elle est déjà utilisée à faible dose par certaines équipes médicales pour traiter des douleurs rebelles, mais il n’existe pas de traitement de référence fondé sur des études cliniques contrôlées.
Le projet porté par Abdelmalek Ghimouz constitue la première étude sur l’usage d’une faible dose de ce produit. Il vise à évaluer son efficacité, comparée à un placebo, dans le traitement de la douleur neuropathique chronique (DNC) rebelle après échec des traitements antalgiques conventionnels chez les patientes atteintes d’un cancer du sein. Les patientes incluses dans cette étude se trouvent dans une situation de grande détresse, souffrant d’une douleur extrêmement intense malgré le traitement standard, ou ayant dû arrêter les antalgiques en raison d’effets secondaires intolérables.
Abdelmalek Ghimouz - Département d'Anesthésie-Réanimation-Douleur, Institut Curie, Paris
Le projet porté par Gilles Marodon
Le projet porté par Gilles Marodon
Rôle des enképhalines produites par les lymphocytes T régulateurs dans la douleur liée au cancer et aux chimiothérapies : du mécanisme à l'application préclinique
La douleur est une composante à part entière du cancer. Ses origines sont multiples : elle peut être causée par la croissance de la tumeur elle-même ou par les traitements, en particulier la chimiothérapie. Le système immunitaire, qui nous défend contre les maladies, interagit également avec les nerfs qui détectent la douleur. Parfois, les nerfs peuvent influencer la réponse immunitaire, et certaines cellules immunitaires peuvent soit augmenter, soit diminuer la douleur.
De précédents travaux de l’équipe de Gilles Marodon ont conduit à la découverte que certaines cellules immunitaires produisent une molécule appelée enképhaline, qui peut réduire la douleur chez l’animal. Cette molécule pourrait masquer la douleur au début du développement cancéreux, entraînant un retard du diagnostic.
Le projet actuellement soutenu vise à mieux comprendre le mode d’action de l’enképhaline et à déterminer comment elle pourrait être exploitée pour réduire les douleurs associées aux chimiothérapies, afin d’ouvrir la voie au développement de nouvelles options thérapeutiques.
Gilles Marodon - Centre d'Immunologie et de Maladies Infectieuses, Inserm U1135, CNRS ERL 8255, Sorbonne Université, Paris
Le projet porté par Grégoire Oudot
Le projet porté par Grégoire Oudot
Création d'un organisme de coordination de prise en charge des douleurs en cancérologie dans le Grand Est
Une enquête menée entre juin et octobre 2022 auprès d’acteurs de santé du Grand Est a révélé que la prise en charge de la douleur est pluridimensionnelle et pluriprofessionnelle, mais encore insuffisamment efficace. Si les traitements médicamenteux et non médicamenteux standards soulagent de nombreux patients, certains nécessitent des approches spécifiques comme l’anesthésie locorégionale, la radiologie interventionnelle ou encore la radiothérapie. Toutefois, l’accès à ces techniques reste inégal et doit être structuré, car peu de structures disposent de l’ensemble de ces compétences.
Parmi ces techniques, l’analgésie intrathécale est reconnue depuis longtemps dans les recommandations nationales et internationales, mais sa mise en œuvre reste limitée par des exigences techniques et organisationnelles.
C’est dans ce contexte qu’est née, en 2024, la coordination DOGE (Douleur et Oncologie Grand Est), désormais accessible à tout patient atteint de cancer dans la région Grand Est. La coordination DOGE repose sur des structures de référence spécialisées dans la prise en charge des patients douloureux atteints de cancer. Le projet porté par Grégoire Oudot doit permettre la mise sur pied d’une équipe mobile pluriprofessionnelle, constituée d’un médecin algologue, d’une infirmière, d’une secrétaire médicale et d’un attaché de recherche clinique à temps partiel, complémentaire à cette coordination, afin de renforcer les liens entre les établissements de santé et de développer les compétences sur tout le territoire.
Grégoire Oudot - UR7509 IRMAIC Godinot, UR7509, Université Reims Champagne-Ardenne, Reims
Le projet porté par Christophe Vandier
Le projet porté par Christophe Vandier
Validation de l’action combinée antidouleur et anticancer de l’Ohmline, un bloqueur original du canal SK3 pour une stratégie unique en oncologie
L’efficacité des chimiothérapies antitumorales est souvent limitée, et parfois compromise, par l’induction de neuropathies périphériques. À ce jour, aucun médicament capable de prévenir l’apparition de ces neuropathies ou d’en améliorer l’évolution à long terme n’a été identifié. Le besoin thérapeutique est donc important, tant du point de vue de l’efficacité, c’est-à-dire l’amélioration de l’activité primaire des chimiothérapies, que du point de vue de la tolérance, avec la réduction des effets secondaires néfastes.
Le projet de recherche multi-équipes porté par Christophe Vandier vise le développement d’un candidat-médicament, l’Ohmline, qui pourrait répondre à ce besoin grâce à une activité combinée antidouleur et anticancer. L’Ohmline est une molécule lipidique synthétique dont de précédents travaux de l’équipe ont montré qu’elle pouvait limiter l’agressivité tumorale en agissant sur des protéines membranaires, les canaux potassiques SK3, permettant le passage sélectif du potassium.
L’utilisation combinée de l’Ohmline avec des chimiothérapies pourrait à la fois réduire le risque de survenue d’une neuropathie périphérique induite, tout en renforçant l’activité anticancéreuse, permettant ainsi une réduction des doses et des effets secondaires.
Christophe Vandier - Niche Nutrition Croissance et métabolisme oxydatif, Inserm U1069, Université de Tours, Faculté de Médecine, Tours
Les projets soutenus en 2024
En 2024, 9 propositions de projet ont été déposées en réponse à la deuxième édition de cet appel à projets ouvert en janvier 2024. Le Conseil d’Administration de la Ligue, réuni le 8 octobre 2024, a approuvé sur proposition du Conseil Scientifique National, le soutien de 5 projets sélectionnés par une commission d’évaluation ad-hoc.
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