Mélanocytes et mélanome, un scénario en noir & blanc

Elles étaient noires et sont devenues blanches… Il ne s’agit pas là de l’énoncé d’une énigme mais d’un résultat obtenu sur des souris par plusieurs équipes de chercheurs étudiant la biologie du mélanome.

 

 

Dans le cadre des travaux réalisés, ce changement de pigmentation du pelage révèle un mécanisme clé du fonctionnement des mélanocytes, les cellules à l’origine du mélanome. Deux protéines BRAF et CRAF seraient indispensables à leur renouvellement. Ces résultats, publiés dans la revue Cell Reports permettent de mieux cerner les limites d’un traitement récent des mélanomes malins métastatiques non opérables (1). La Ligue a contribué à la réalisation de ces recherches par le soutien qu’elle accorde, dans le cadre de son programme Equipes Labellisées, aux équipes dirigées par Alain Eychène (Inserm U1021-CNRS UMR 3347), le principal auteur de ces travaux, et Lionel Larue (CNRS UMR 3347).

Les mélanomes malins ont pour origine une prolifération anarchique des mélanocytes, les cellules responsables de la pigmentation de la peau, des poils et des cheveux. S’ils constituent les cancers cutanés les moins fréquents, ils sont aussi les plus agressifs. De fait, le mélanome malin se caractérise par une forte capacité à essaimer dans l’organisme (formation de métastases) et se révèle donc très dangereux en cas de diagnostic tardif.

Un traitement ciblé…mais des résistances fréquentes

Le traitement des mélanomes malins métastatiques non opérables a subi une vraie révolution avec l’arrivée récente de nouveaux traitements. L’un de ceux-ci, un médicament de thérapie ciblée, le vémurafénib, agit en bloquant l’activité d’une protéine mutée, dénommée BRAF, dont l’activité est responsable de la croissance de la tumeur cutanée. L’action du vémurafénib peut être rapide et spectaculaire conduisant à une réduction importante des tumeurs. Toutefois, ses limites sont également bien réelles avec, par exemple, l’occurrence de nombreuses récidives de la maladie. Ces rechutes découlent de la persistance de cellules cancéreuses, probablement des cellules souches cancéreuses, que le traitement ne parvient pas à éliminer. Inhiber BRAF seul paraît donc insuffisant pour mettre un coup d’arrêt définitif au processus cancéreux. Quel(s) sont alors les autres mécanismes, propres aux mélanocytes, susceptibles de contribuer au développement du mélanome ?

Une dépigmentation révélatrice

Les chercheurs ont abordés cette question en étudiant le fonctionnement des mélanocytes normaux dans un modèle de souris au pelage noir. Les scientifiques ont modifié ces animaux de façon à pouvoir comparer l’effet d’une suppression de la protéine BRAF ou/et d’une autre protéine de la même famille, la protéine CRAF. Résultats : les animaux dépourvus de l’une ou de l’autre de ces protéines naissent avec un pelage noir et gardent cette pigmentation. En revanche, ceux chez lesquels les deux protéines ne s’expriment plus présentent bien des poils noirs à la naissance mais cette teinte s’estompe ensuite progressivement, les animaux deviennent gris puis blancs. Or, les mélanocytes responsables de la pigmentation dérivent de cellules souches et sont renouvelés lors de la mue des animaux. La couleur des animaux s’éclaircit donc en raison de la disparition progressive des cellules souches pigmentaires, un phénomène lié aux suppressions conjointes de BRAF et CRAF. Ainsi, pour bloquer efficacement le fonctionnement des cellules souches à l’origine des mélanocytes, il semble nécessaire d’agir, non pas contre une cible mais plutôt envers deux : BRAF et CRAF.

Ces travaux viennent compléter notre connaissance du fonctionnement des mélanocytes en précisant un des mécanismes clés de leur renouvellement. Ils pourraient déboucher sur le développement de nouvelles approches thérapeutiques plus efficaces que celle fondée sur la seule inhibition de la protéine BRAF.

(1) A. Valluet, S. Druillennec, C. Barbotin, et al., B-Raf and C-Raf are required for melanocyte stem cell self-maintenance, Cell reports, 2012, 2, 774-780.

Mélanomes malins métastatiques

Le mélanome est un cancer qui peut être guéri lorsqu’il est détecté à un stade précoce. Son traitement repose principalement sur la chirurgie. Les mélanomes avec métastases à distance (c’est-à-dire ayant essaimé vers des organes éloignés, par exemple les poumons) constituent, en revanche, des formes très avancées dont la prise en charge est problématique. Dans le cas des formes métastatiques non opérables, aucun médicament n’avait démontré d’efficacité réelle avant l’arrivée en 2011 du vémurafénib et de l’ipilimumab (une immunothérapie).

Thérapie ciblée

On qualifie de thérapies ciblées anticancéreuses, des médicaments conçus pour agir contre un mécanisme connu pour son implication dans le développement des tumeurs. L’efficacité de ces thérapies est donc liée à une caractéristique spécifique de la tumeur, par exemple une mutation particulière de la protéine BRAF dans le cas du mélanome. Il est donc nécessaire avant de prescrire une thérapie ciblée de tester les tumeurs des patients concernés afin de vérifier si elles présentent la caractéristique, la cible, sur laquelle agit la thérapie. Dans le cas du mélanome malin avancé, cette « vérification » est réalisée au moyen d’une analyse génétique permettant de déterminer la présence de la mutation ciblée. On estime qu’environ 50 % des patients souffrant du mélanome malin sont porteurs de cette mutation et peuvent donc effectivement bénéficier du vémurafénib.

Cellules souches cancéreuses

Les cellules souches cancéreuses, sont des cellules tumorales particulières, peu nombreuses mais jouant un rôle essentiel dans la croissance et la résurgence des tumeurs. Concrètement, une cellule souche cancéreuse se définit par deux caractéristiques :

  • a) elle peut se reproduire à l’identique (on dit qu’elle s’auto-renouvelle) ;
  • b) elle possède également la capacité d’engendrer des cellules spécialisées (différenciées) formant le plus gros de la masse tumorale mais qui se multiplient peu.

L’existence des cellules souches cancéreuses dans plusieurs types distincts de tumeurs a été confirmée très récemment (été 2012).

 

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