Position de la Ligue sur l’usage de la cigarette électronique

Actualisation du 17 septembre 2013 de la position de la Ligue

La cigarette électronique rencontre un grand succès commercial qui avoisinerait le million de consommateurs en France. Elle fait l’objet de nombreuses publications visant à analyser tant sa composition que les effets sur la santé que peut entrainer son usage. Elle est aussi au sein des débats visant à déterminer son efficacité en tant qu’aide à l’arrêt du tabagisme.

A ce jour, compte tenu de l’absence de recul, les preuves scientifiques sont insuffisantes pour considérer la cigarette électronique comme un dispositif d’aide à l’arrêt validé. Elles sont également insuffisantes pour conclure à son innocuité.

Produit de consommation courante, la cigarette électronique échappe à la réglementation sur les médicaments et à celle sur les produits du tabac. La grande diversité de modèles rechargeables ou non, ainsi que celle de ses composants essentiels, rend variable et difficile le recensement des substances toxiques pouvant résulter de leur usage.

De nombreux articles et rapports soulignent cependant l’intérêt de la cigarette électronique en tant que réducteur des risques et des dommages du tabagisme. Le rapport et avis d’experts sur la cigarette électronique coordonné par le Pr Dautzenberg estime que la cigarette électronique est moins dangereuse que la cigarette conventionnelle et qu’elle peut contribuer à la réduction des risques pour les fumeurs qui n’arrivent pas à arrêter de fumer.
Comme il n’y a pas de combustion, la cigarette électronique ne produit pas de monoxyde de carbone, de goudrons, d’hydrocarbures ni de nitrosamines, substances responsables des maladies cardiovasculaires et des cancers. Le rapport recommande la vigilance pour toute utilisation supérieure à 6 mois au regard de l’absence de preuves scientifiques sur son innocuité.

Les vapeurs émises par la cigarette électronique contiennent des substances cancérogènes ou potentiellement cancérogènes en quantités très inférieures à celles des cigarettes conventionnelles. Les produits présents dans le tabac et responsables de sa cancérogénicité sont présents à des concentrations non significatives dans la vapeur des cigarettes électroniques.

La Ligue contre le cancer rappelle que la grande majorité des cigarettes électroniques contient de la nicotine, substance hautement addictive et que la dénomination, la forme du produit et la gestuelle sont aussi des facteurs contribuant à entretenir l’usage de la cigarette.

La Ligue contre le cancer soutient un arrêt total de la consommation de tabac. Dans l’attente d’études scientifiques complémentaires se prononçant sur l’efficacité et l’innocuité de la cigarette électronique en tant qu’aide au sevrage tabagique, elle recommande de :

  • Déconseiller fortement l’usage de la cigarette électronique aux mineurs, aux femmes enceintes et aux non-fumeurs car elle contient des substances addictives et toxiques.
  • Réserver l’usage de la cigarette électronique aux fumeurs souhaitant arrêter de fumer et ayant échoué avec les moyens conventionnels d’aide à l’arrêt.
  • Avertir les personnes sur la méconnaissance des bénéfices et des risques liés à son utilisation au-delà de six mois.

La Ligue contre le cancer milite pour :

  • Une interdiction totale de l’usage de la cigarette électronique dans tous les lieux soumis à l’interdiction de fumer. En effet, son emploi pourrait y inciter à fumer et nuire à la prévention du tabagisme notamment auprès des jeunes.
  • Une interdiction totale de la publicité et de la promotion en faveur de la cigarette électronique afin de limiter l’initiation au tabagisme par ce dispositif.
  • L’application d’une réglementation stricte obligeant à afficher la composition exacte du dispositif (contenant et contenu).
  • Une réglementation sur le lieu de vente de la cigarette électronique (contenant et contenu).

Enfin, la Ligue contre le cancer dénonce l’utilisation par les vendeurs de cigarettes électroniques de son affiche « Autopsie d’un meurtrier » ou de tout autre de ses documents pour la promotion et la vente de ce produit.


Au regard des mises en garde répétées par le corps scientifique et les autorités sanitaires et de santé tant nationales qu’internationales dont l’OMS, la Ligue contre le cancer entend dissuader l’utilisation de ce produit et recommander son retrait du marché tant que la réglementation de ce produit n’est pas clarifiée. Par ailleurs, la cigarette électronique ne participe pas à la dénormalisation du tabac et maintient sa promotion. Ce produit échappe actuellement à toute réglementation et contrôle ne permettant pas de garantir son innocuité

Qu’est ce qu’une cigarette électronique ?

Sous le slogan « fumer dans des lieux publics redevient possible grâce à la cigarette électronique » ou « fumer sans les substances cancérigènes de la vraie cigarette » apparait en 2004 la cigarette électronique inventée par la compagnie chinoise Ruyan, spécialisée dans le « développement de biens de consommation bioélectroniques » et « biopharmaceutiques ».

La "cigarette électronique" se présente sous la forme d'un tube blanc contenant une pile et ressemble à une véritable cigarette. Lorsque le "fumeur" aspire, une cartouche insérée dans le tube libère sans combustion la nicotine qu'elle contient, tandis qu'une petite lampe rouge s'allume au bout de la "cigarette" pour mimer la braise incandescente. La cigarette électronique contient une cartouche de nicotine liquide et du propylène-glycol (un solvant au pouvoir irritant). Le système d'atomiseur électronique propulse le mélange sous forme d'une fine vapeur blanche chargée de nicotine et inhalée par l'utilisateur.

Quelle réglementation pour la cigarette électronique en France ?

La cigarette électronique n’est soumise à aucune réglementation particulière en France. Elle n’est considérée ni comme produit du tabac ni comme médicament, elle est donc soumise au contrôle de la Direction Générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et non à l’Agence Nationale de sécurité du médicament (ANSM). Au regard de l’article 278 du Code Général des Impôts, la commercialisation de la cigarette électronique est soumise à la taxe normale sur la valeur ajoutée qui est de 19,6% versus une taxation de plus de 80% pour les produits du tabac.

La cigarette électronique est interdite de vente dans les pharmacies, cependant elles sont toujours un tiers à la proposer.

Quelle réglementation pour la cigarette électronique dans le monde ?

Seules les autorités sanitaires turques ont pris acte de l'absence de test scientifique approprié et ont suspendu la vente de la cigarette électronique. Elle est déjà interdite au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Certains pays instaurent une taxation contraignante comme pour les produits du tabac.

Les cigarettes électroniques ressemblent à des cigarettes et pourraient donc nuire à la dénormalisation de la consommation du tabac, soutenue par la Convention-cadre de l’OMS.

L’Union européenne prépare une réglementation relative à la cigarette électronique dans le cadre de la révision de la directive européenne sur les produits du tabac. Les produits contenant de la nicotine (plus de 2 mg par unité ou plus de 4 mg par ml) ne peuvent être mis sur le marché que s’ils ont été autorisés comme médicament. Les produits contenants des niveaux inférieurs de nicotine sont soumis à la mise en place d’avertissements sanitaires qui recouvrent 30% de la surface du conditionnement. La directive européenne devrait être adoptée en 2014 pour une application en 2016.

Quels enjeux ?

Un grand fabricant de tabac aux États-Unis a récemment acheté une société de cigarettes électroniques, devenant de ce fait la première grande firme du secteur à acheter ou à investir dans les inhalateurs électroniques(1). En 2009, une entreprise européenne fabriquant une gamme de produits, qu’elle décrit comme étant destinés au traitement de substitution de la nicotine, a été achetée par un autre grand fabricant de tabac (Reynolds) et un producteur d’inhalateurs de nicotine a accepté un accord de commercialisation et de distribution avec une société appartenant au groupe d’un autre fabricant majeur de tabac (BAT)(2). Ces développements démontrent bien l’attention que les fabricants traditionnels de cigarettes accordent à ces produits émergents.

De plus, selon des estimations récentes, le marché des cigarettes électroniques est en croissance rapide dans l’Union européenne, avec une valeur totale de celui-ci située en 2011 entre €400 et 500 millions. Des statistiques supplémentaires confirment que l’utilisation des cigarettes électroniques a été en nette augmentation ces dernières années : 7 % des citoyens de l’Union européenne ont indiqué avoir au moins essayé les cigarettes électroniques(3)  et, au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, on s’attend à ce qu’il y ait plus d’un million de personnes possédant une cigarette électronique d’ici 2013, alors qu’elles étaient peu nombreuses en 2006.

Les utilisateurs de cigarettes électroniques en France sont estimés à 500 000.

Aide à l’arrêt ?

Pour prétendre au statut de médicament et donc de substitut nicotinique, la cigarette devrait répondre à des critères d’aide au sevrage tabagique. Or, ce n’est pas le cas. A ce jour, aucun fabricant n’a demandé d’autorisation de mise sur le marché, la cigarette est un produit de consommation courante.

Dans l’enquête de San Diego, menée auprès de 6000 personnes dans quatre pays, 70% des personnes interrogées sont persuadées que l’e-cigarette est moins dangereuse que la cigarette, 80% de ceux qui l’utilisent le font du fait de sa toxicité inférieure à celle du tabac 75% affirment même que cette cigarette d’un genre nouveau leur a permis de réduire leur consommation de tabac. Enfin, 85% ont pour objectif d’utiliser ce nouveau substitut nicotinique pour arrêter de fumer. Cependant, aucune étude randomisée n’a encore été publiée. 

Les études sont contradictoires, certaines ne montrent pas d’arrêt du tabagisme grâce à l’utilisation de la cigarette électronique(4), d’autres voient un résultat concluant notamment chez les fumeurs longue durée(5) et une moindre nocivité par rapport aux cigarettes(6) normales. 

Cependant, de nombreuses réserves ont été émises quant aux composants des cigarettes électroniques(7) et leur toxicité potentielle. Des réserves sont portée également sur l’efficacité à long terme de la cigarette électronique en tant que substitut au tabagisme(8) au regard de l’importance de la quantité de nicotine délivrée par certaines d’entre elles.

Il est important de noter que le tabagisme engendre une forte dépendance comportementale. La cigarette électronique entretient le geste et donc conforte la dépendance comportementale en la maintenant. Dans ces conditions le sevrage tabagique ne bénéficie pas des conditions optimales de réussite.

Quels méfaits sur la santé ?

Aucune étude sérieuse (hormis celles financées par les fabricants) n’a tranché sur les substances potentiellement nocives contenues dans la cigarette électronique. De nombreuses études émettent des réserves sur le potentiel toxique des liquides contenus dans la cigarette.

L’ASSFAPS(9) recommande de ne pas consommer de cigarette électronique car ce produit ne dispose pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) et ne bénéficie donc pas du contrôle des composants qui le constituent ni en tant que médicament ni en tant que produit de consommation courante devant répondre aux règles de sécurité conformément aux dispositions du code de la consommation.

Se revendiquant aide au sevrage ou moyen de réduction des risques, la cigarette électronique a fait l’objet d’études visant à déterminer son efficacité et les conséquences sur la santé. L’OMS(10) souligne que la cigarette électronique n’a pas d’effets thérapeutiques démontrés en tant que substitut nicotinique. De plus, lors de son utilisation le fumeur aspire les composants chimiques contenus dans la cigarette électronique dont le propylène-glycol (représentant 80 à 90% de la composition de la cartouche de recharge) qui, présentant peu de risques dans des conditions d’utilisation normales, est considéré par l’INRS(11) comme toxique lors d’une consommation à chaud, en aérosol et en utilisation prolongée. De plus, la cigarette électronique contient des substances cancérigènes avérées listées dans le groupe 1 du CIRC(12)  telles que l’arsenic, l’antimoine, et le nickel. Enfin, il convient de noter que ce produit contient de la nicotine, classée substance très dangereuse par l’OMS pouvant conduire à une forte dépendance lors de sa consommation.

Les autorités sanitaires recommandent la plus grande prudence aux utilisateurs de cigarettes électroniques. L’OMS ne dispose pas de preuves scientifiques permettant de confirmer l’innocuité et l’efficacité du produit.

La cigarette électronique nuit à la dénormalisation du tabagisme

La cigarette électronique maintient le geste de fumer dans les lieux où cela est interdit et l’assimile à une incitation à violer l’interdiction de fumer et, par voie de conséquence, à entraver la mission de contrôle des responsables des lieux.

Ainsi, la cigarette électronique conserve la dépendance comportementale pour le fumeur et promeut l’usage du geste de fumer dans les lieux publics en opposition de l’interdiction de fumer. Elle nuit à la dénormalisation qui a pour objectif d’effacer la présence du tabagisme de la vie quotidienne.

Une récente étude(13) montre que les jeunes collégiens utilisent la cigarette électronique pour s’initier au tabagisme avant de tester la « vraie » cigarette. Elle est moins chère et fait croire aux jeunes qu’ils peuvent fumer sans danger. Malheureusement la cigarette électronique précède souvent l’entrée en tabagie des jeunes.

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(1) http://online.wsj.com/article/SB10001424052702304723304577365723851497152.html
(2) http://www.bloomberg.com/news/2011-04-05/bat-establishes-non-tobacco-nicotine-product-unit-ft-reports.html
(3)  Special Eurobarometer 385: Attitudes of Europeans towards tobacco. Commission européenne, 2012 – Disponible sur http://ec.europa.eu/health/eurobarometers/index_en.htm.
 (4) Electronic nicotine delivery systems: adult use and awareness of the ‘e-cigarette’ in the USA, Annette K Regan, Gabbi Promoff, Shanta R Dube, Rene Arrazola
Tob Control 2013;22:1 19-23 Published Online First: 27 October 2011 doi:10.1136/tobaccocontrol-2011-050044
(5)  Electronic nicotine delivery systems: a research agenda Tob Control 2011;20:243-248 doi:10.1136/tc.2010.042168, Jean-François Etter1,
Chris Bullen, Andreas D Flouris3,  Murray Laugesen,  Thomas Eissenberg
(6) Cahn Z, Siegel M. Electronic cigarettes as a harm reduction strategy for tobacco
control: a step forward or a repeat of past mistakes? J Public Health Policy
2011;32:16e31.
(7) Wollscheid KA, Kremzner ME. Electronic cigarettes: safety concerns and
regulatory issues. Am J Health Syst Pharm 2009;66:1740e2.
Trtchounian A, Talbot P. Electronic nicotine delivery systems: is there a need for
regulation? Tob Control 2011;20:47e52.
(8) Vansickel AR, Cobb CO, Weaver MF, et al. A clinical laboratory model for evaluating the acute effects of electronic “cigarettes”: nicotine delivery profile and cardiovascular and subjective effects. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev
2010;19:1945e53.
Bullen C, McRobbie H, Thornley S, et al. Effect of an electronic nicotine delivery device (e cigarette) on desire to smoke and withdrawal, user preferences and nicotine delivery: randomised cross-over trial. Tob Control 2010;19:98e103
(9) http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Points-d-information/Cigarette-electronique-Point-d-information
(10) http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2008/pr34/fr/index.html
(11) http://www.inrs.fr/fichetox/ft226.html
(12) http://www.e-cancer.fr/prevention/facteurs-de-risque-et-de-protection/tabac/2107
(13) OFT-Etude auprès des 12-15 ans montrant que 25% des collégiens ont utilisé la cigarette électronique même ceux qui n’ont jamais fumé.

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