Œstrogènes et cancers, une nouvelle dépendance
Les recherches d’une équipe de l’Institut Curie, de l’Inserm et du CNRS ont mis en évidence un rôle procancéreux inédit des œstrogènes. Véritable première, ce résultat souligne l’importance de connaître et d’intégrer les différences liées au sexe dans la prévention et la prise en charge des cancers, tout en levant le voile sur une nouvelle piste thérapeutique chez les femmes en âge de procréer. Publiés dans Nature, ces travaux ont été conduits par les docteurs Lionel Larue et Véronique Delmas[1]. Leur premier signataire a bénéficié du soutien de la Ligue contre le cancer dans le cadre du soutien aux Jeunes chercheurs*.
  Un lien déterminant à ne pas sous-estimer
Le rôle des hormones sexuelles dans les cancers dits hormono-dépendants est aujourd’hui bien connu, et leur ciblage par les médicaments dits "d’hormonothérapie" constitue une stratégie de traitement dans certains cancers du sein, ainsi que dans le cancer de la prostate.
Les travaux publiés dans la revue Nature montrent que les œstrogènes peuvent augmenter la gravité de plusieurs cancers jusque-là non considérés comme hormono-dépendants, notamment le mélanome malin, chez la femme en âge de procréer.
Période à risque
Si les hommes développent globalement plus de cancers que les femmes, la période reproductive est un temps pendant lequel la population féminine présente un risque accru de cancers, comparativement aux hommes. Cette inégalité liée au sexe est particulièrement marquée pour le mélanome malin, qui survient le plus souvent chez la femme enceinte, après la grossesse ou à la puberté.
De l’origine d’une inégalité
Les travaux publiés Nature lèvent le voile sur le mécanisme biologique à l’origine de cette particularité. Les chercheurs ont identifié une voie de signalisation inédite, strictement dépendante de l’environnement hormonal féminin, et qui favorise la croissance tumorale ainsi que la dissémination métastatique.
Cette voie associe plusieurs molécules clés, en particulier le récepteur aux œstrogènes (ESR1) et le récepteur GRPR. Elle fonctionne comme une boucle auto-entretenue qui réprime l’expression de la E-cadhérine, une molécule d’adhésion maintenant l’organisation des tissus. Ainsi, l’activation de cette boucle par les œstrogènes contribue à augmenter la capacité invasive des cellules tumorales.
Un rouage à gripper ?
De façon remarquable, un des rouages de cette boucle, le récepteur GRPR, appartient à une famille de molécules contre laquelle de nombreux médicaments ont déjà été développés pour le traitement de maladies très diverses, hors du champ de l’oncologie (cardiovasculaires, respiratoires, neurologiques, digestives, douleur, etc.).
Les chercheurs ont testé cette piste sur des modèles précliniques et ont pu observer que l’administration d’antagonistes* spécifiques de GRPR entraînait une réduction significative de la formation des métastases.
[1] Raymond, J. H. A. et al. Nature, 2025, doi : 10.1038/s41586-025-09111-x
*Antagoniste : qualifie un type de médicament conçu pour occuper un récepteur afin de bloquer son activation.
Une inégalité à intégrer
  Une inégalité à intégrer
Cette découverte de première importance met en évidence une nouvelle facette des inégalités liées au sexe dans le cancer. Elle souligne l’importance de mieux intégrer les facteurs hormonaux et biologiques dans la prévention, le diagnostic et le traitement, et esquisse une nouvelle piste thérapeutique fondée sur le repositionnement en oncologie de médicaments existants.
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*Le soutien de la Ligue aux jeunes chercheurs
Jérémy Raymond, dernier signataire de la publication de ces travaux, a bénéficié d’une allocation doctorale (2020) pour la réalisation de sa quatrième année de doctorat dans l’équipe de Lionel Larue.
L’équipe de Lionel Larue (Inserm U 1021, CNRS UMR 3347, Institut Curie, Orsay) a bénéficié de la labellisation de la Ligue pendant 16 ans, entre 2005 et 2021.
Les recherches de Véronique Delmas (Inserm U 1021, CNRS UMR 3347, Institut Curie, Orsay) sur le ciblage de GPCR ont bénéficié du Programme PAIR Mélanome de l’Inca, cofinancé par la Ligue sur 4 ans à partir de l’année 2013.