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Favoriser la réponse contre la tumeur grâce au développement de mini ganglions 

Mélanie Bruchard UMR INSERM1231 CTM, CGFL

Financée en 2022.

Les traitements contre le cancer utilisent des mécanismes variés pour attaquer le cancer, et nombre d’entres eux mobilisent le système immunitaire. Le système immunitaire est le système de défense de notre organisme. Il est composé de cellules qui patrouillent constamment dans l’organisme et éliminent les menaces, dont les cellules cancéreuses. Le système immunitaire est donc un allié de choix dans la lutte contre le cancer. Malheureusement, le système immunitaire est souvent exclu par la tumeur qui a développé des mécanismes pour lui échapper.

Il a été montré que certaines chimiothérapies, telle que le cisplatine, étaient capables d’induire le développement de structures lymphoïdes tertiaires, proches voir à l’intérieur des tumeurs. Ces structures sont comme des mini ganglions, riches en cellules du système immunitaire, qui se développent au plus près de la tumeur, permettant une réaction rapide et efficace. La présence de ces structures est associée à une meilleure réponse aux traitements et à un meilleur pronostique pour les patients. Cependant, ces structures ne sont pas retrouvées chez tous les patients, même après traitement.

Le but de ce projet était d’étudier si un type de cellule immunitaire, les ILC3, est capable de favoriser le développement de structures lymphoïdes tertiaires après un traitement par chimiothérapie et ainsi favoriser les réponses immunitaires contre la tumeur.

Dans un modèle de cancer du poumon chez la souris, nous avons d’abord montré que les ILC3 étaient nécessaires à la mise en place d’une réponse immunitaire contre la tumeur après un traitement avec la chimiothérapie cisplatine. Puis, nous avons observé le développement des structures lymphoïdes tertiaires au cours du temps après traitement par chimiothérapie. Pour faire cela nous avons mis au point une méthode permettant de voir ces structures sur des coupes de tumeur. 

Nous avons pu voir que le traitement par chimiothérapie induisait le développement de structures lymphoïdes tertiaires de façon dépendante des ILC3. Cependant, les structures sont immatures, ce qui limite leur efficacité contre le cancer. La prochaine étape consistera à essayer des combinaisons de traitements et de tester leur capacité à faire maturer les structures lymphoïdes dans le but d’avoir la réponse contre la tumeur la plus efficace possible.

Nous avons également testé le rôle des ILC3 dans le développement des structures lymphoïdes tertiaires dans d’autres types de cancer tel que les cancers du pancréas, cancer du côlon, mélanome et cancer du sein. Nous n’avons pas pu mettre en évidence un rôle des ILC3 dans la réponse au traitement et nous n’avons pas observé de formation de structures lymphoïdes tertiaires. 

Nous allons poursuivre nos travaux avec l’espoir de découvrir une association thérapeutique permettant le développement de structures lymphoïdes tertiaires matures dans un premier temps dans un modèle de cancer du poumon. Nous espérons pouvoir élargir nos résultats à d’autres modèles de cancer par la suite.

Sigle

ILC3 : cellules du système immunitaire, Cellules Lymphoïdes Innées de type 3

Publications

- Recruitment and activation of type 3 innate lymphoid cells promote antitumor immune responses. Bruchard M, et al. Nat Immunol. 2022 Feb

- The role of ILC subsets in cancer. Bruchard M, Spits H. Semin Immunol. 2022 Nov

 

 

« Etude de modulateurs de la voie de biosynthèse de la phosphatidylcholine pour sensibiliser les cancers colorectaux à la chimiothérapie ».

 

Pr. Dominique Delmas, Université Bourgogne Europe, INSERM U1231 ; Centre Georges François Leclerc, 21000 Dijon, France, financement 2022. Ce projet de recherche financé par la Ligue Inter-Régional Est contre le Cancer, Comité Côte d’Or, s’est articulé autour de deux axes majeurs :

(i) l’étude du rôle du métabolisme des lipides complexes dans les processus de résistance, et ce afin d’identifier de nouvelles cibles permettant de rétablir une chimiosensibilité,

(ii) l’étude des propriétés chimiopréventives et chimiosensibilisantes de molécules bioactives.

Les travaux antérieurs du laboratoire avaient permis d’une part, de mettre en évidence que les altérations des teneurs en phospholipides plasmatiques, en particulier de la PC, pouvaient constituer des biomarqueurs d’évolution de la cirrhose vers un carcinome hépatocellulaire (CHC) et être prédictifs de la mortalité des patients ayant développé un CHC sur cirrhose (Cotte et al., Oncotarget, 2019), et d’autre part, que la surexpression d’une enzyme du métabolisme de la PC, l’enzyme lysophosphatidylcholine-acyltransférase 2 (LPCAT2), est associée à la résistance des cancers colorectaux (CCR) aux agents thérapeutiques conventionnels (Cotte et al., Nature Communication, 2018). Ces données suggéraient ainsi que l’étude de la signature lipidique des tumeurs pourrait constituer une approche prometteuse pour l’établissement de biomarqueurs prédictifs d’évolution de la progression tumorale, et le ciblage des voies de biosynthèse des lipides impliqués dans celle-ci, constituer une nouvelle stratégie thérapeutique afin de contrer les mécanismes de résistance. Aussi, l’utilisation d’agents capables de modifier les teneurs en PC dans les cellules de CCR résistantes, à travers la modulation de l’expression et activité des enzymes clés impliquées dans son métabolisme, pourrait être pertinente afin de restaurer une réponse thérapeutique efficace.

Nous avons pu ainsi montrer aux cours de ce projet de recherche identifier parmi les voies de biosynthèse des lipides complexes que la surexpression des enzymes de la voie de Kennedy dans les cancers colorectaux pouvait être à l’origine d’une chimiorésistance notamment à des agents anticancéreux classiquement utilisés contre les cancers colorectaux (5-Fluroruracil, Oxaliplatine, …). Ayant identifié principalement les enzymes de cette voie, nous avons recherché des molécules bioactives capables d’agir sur celles-ci afin de restaurer une sensibilisation au drogues anticancéreuses. Nous avons ainsi pu mettre en évidence que des agents issus des fibrates, habituellement utilisés pour contrer les dyslipidémies, pouvaient diminuer l’expression et l’activité de ces enzymes, cette action permettant alors de sensibiliser des cellules cancéreuses coliques aux anticancéreux classiques.

Conclusion : nous avons ainsi pu démontrer grâce au financement de ce projet par la ligue Comité Côte d’Or, qu’une voie majeure de synthèse des lipides, la voie de Kennedy, était en partie responsable d’une chimiorésistance et que cibler cette voie permettait de restaurer la sensibilité des cellules cancéreuses coliques aux cytotoxiques classiquement utilisés en thérapeutique. Au terme de ce travail de recherche, les résultats obtenus et ceux à venir prochainement (cohorte de patients) sont à l’heure actuelle en cours de compilation afin de soumettre un article dans une revue de cancérologie courant de l’année 2025.

 

 

EXO-DEPNET : Les exosomes comme biomarqueur pour le suivi des néoplasies neuroendocrines duodéno-pancréatiques (DPNET)1 

C LEPAGE, équipe EPICAD INSERM CTM 1231, Université Bourgogne Europe, Dijon

Service d’hépato gastroentérologie et Oncologie digestive CHU Dijon Bourgogne

Année de financement du projet : 2022.

Les néoplasies neuroendocrines (NNE) sont des tumeurs rares ayant des présentations cliniques diverses dont le nombre de nouveaux cas a été multipliée par près de 2,5 en 30 ans. En raison d'un pronostic nettement moins péjoratif que la plupart des cancers digestifs, leur prévalence, c’est-à-dire le nombre de personne pris en charge dans le système de soin, est élevée. Les localisations digestives sont les plus fréquentes.

Les NNE duodéno-pancréatiques (DP-NET) représentent la 2ème localisation la plus fréquente des NNE du système digestif. Plus de la moitié des cas sont diagnostiqués au stade métastatique. Selon les recommandations actuelle, ces patients doivent recevoir un traitement antitumoral pendant 4 à 6 mois qui doit être arrêté dès l'obtention d'un contrôle de la maladie, avant la survenue de complications ou d'une progression sous traitement. Il est courant d'observer de longues périodes sans progression après un premier traitement d'induction. La reprise d’un traitement n'est préconisée qu'en cas de reprise évolutive de la maladie. La décision de reprise est basée sur un suivi régulier par scanner thoraco abdominopelvien. Cependant d’une part, les modifications de l’imagerie sont un marqueur tardif de la reprise évolutive et d’autre part le scanner est un examen irradiant. De ce fait, il est nécessaire de trouver des biomarqueurs permettant de détecter la récidive précoce afin de reprendre une phase thérapeutique dès la progression de la maladie. 

Les exosomes (figure 1) sont de petites vésicules extracellulaires composés de protéines, de lipides, excrétées par les cellules qui contiennent des protéines, de l’ARN et de l’ADN, dont la cellule souhaite se débarrasser. Elles circulent notamment dans le sang. Les exosomes sont considérées comme des réservoirs potentiels de biomarqueurs tumoraux qui pourraient être utile en clinique pour le diagnostic et le suivi de la maladie non invasif du cancer avec l’avantage d’être réalisé par prise de sang (biopsie liquide). Il a déjà démontré chez des patients atteints d’un cancer solide que le taux de protéine PD-L1 contenus dans les exosomes était corrélé à la progression, mais pas chez les patients atteints de NNE. 

Dans ce projet, et pour la première fois nous avons caractérise des protéines des exosomes de patients présentant des DP-NET sur la base de prélèvements réalisés chez des patients inclus dans un essai de phase II (REMINET ; inclusions terminées, NCT02288377) qui avaient donné leur accord. 

Nous avons étudié la dynamique des exosomes PD-L1 et HSP70 en utilisant une technique ELISA. Notre analyse a révélé une corrélation entre l'augmentation des niveaux d'exosomes PD-L1 et la progression de la maladie chez les patients traités par lanréotide (p = 0,0462). À l'inverse, le niveau de HSP70 n'a pas permis de prédire la progression de la maladie, soulignant ainsi la valeur prédictive de PD-L1 exosomique1. Ces résultats préliminaires seront confirmés dans une cohorte plus importante, car ils sont prometteurs pour la surveillance des DPNET grâce à une technique simple. 

 

 

Radiothérapie normofractionnée et immunothérapies anti-PD-L1 et anti-NKG2A : une combinaison de traitement innovante et prometteuse.

Céline Mirjolet, Radiation Oncology Department, Preclinical Radiation Therapy and Radiobiology Unit, GF Leclerc Centre, Unicancer, Dijon, France; TIReCS Team, UMR INSERM 1231, Dijon, 

Année de financement : 2022.

La radiothérapie (RT) est un traitement essentiel du cancer, non seulement grâce à son action directe sur les cellules tumorales mais aussi de par son effet de modulation du système immunitaire au sein de la tumeur. Son efficacité dépend de la façon dont elle est administrée, et notamment de la dose par séance, appelée fractionnement. On parle de RT normofractionnée (NF) pour des doses de 2 Gy par séance et de RT hypofractionnée (HF) pour des doses ≥ 3 Gy par séance. Par ailleurs, l’immunothérapie (IT) est une classe thérapeutique regroupant divers traitements qui ont pour but de restaurer une réponse immunitaire anti-tumorale. Combiner RT et IT constitue aujourd’hui un axe de recherche majeur en cherchant à obtenir un effet synergique grâce à l’association. C’est le cas des traitements anti-PD-L1, des inhibiteurs de checkpoint qui ont pour but de restaurer l’activité des lymphocytes T CD8+ (LTCD8+), un acteur majeur de la réponse immune anti-tumorale souvent épuisé par la RT. 

D’autres cellules immunitaires jouent un rôle antitumoral significatif. Parmi elles figure le lymphocyte Natural Killer (NK), dont l’activité dépend de l’activation de nombreux récepteurs à sa surface. NKG2A, un récepteur inhibiteur des cellules NK, mais aussi des LTCD8+, est récemment devenu une cible potentielle pour des IT visant à restaurer l’activité immune antitumorale. Cependant, les effets de la RT sur les cellules NK et sur l’expression de NKG2A restent mal compris. L'objectif de notre étude était donc d’une part d'analyser l’impact de la RT et de son fractionnement sur les cellules NK, et d’autre part d’évaluer l’efficacité d’un traitement combiné : RT + IT anti-NKG2A +/- IT anti-PD-L1.

Nous avons travaillé sur un modèle in vivo de souris immunocompétentes porteuses de cancer colorectal (modèle CT26) et avons étudié deux schémas de RT (identiques en termes de dose équivalente biologique) : 18 séances de 2 Gy (RT-NF) et 3 séances de 8 Gy (RT-HF). Nous avons d’abord évalué l’impact de la RT et du fractionnement sur les cellules NK au sein des tumeurs et sur l’expression de NKG2A à leur surface par cytométrie en flux. Puis, nous avons testé l’effet de combinaisons de RT et d’IT anti-NKG2A et anti-PD-L1 sur la croissance des tumeurs chez la souris.

Nous avons ainsi mis en évidence dans notre modèle d’étude que la RT induit une infiltration temporaire de la tumeur par les cellules NK, maximale à 7 jours du début de la RT. Ce résultat s’observait avec les deux fractionnements, mais de manière plus importante avec la RT-HF. La RT module également l’activité des cellules NK, notamment en augmentant l’expression de NKG2A à leur surface. Cet effet s’est avéré significativement plus marqué avec la RT-NF. Par ailleurs, notre expérience portant sur l’efficacité des combinaisons RT et IT a montré que les IT anti-NKG2A et anti-PD-L1 seules ou combinées n’impactent pas significativement la pousse tumorale et que la RT (HF ou NF) entraine un effet transitoire sur la croissance tumoral. Les combinaisons RT-HF + anti-NKG2A +/- anti-PD-L1 n’améliore pas l’efficacité par rapport à la RT-HF seule. En revanche, nous avons observé une diminution significative et durable de la croissance tumorale et 30% de réponse complète avec la combinaison RT-NF + anti-NKG2A + anti PD-L1.

La radiothérapie influence donc l’infiltration tumoral en cellules NK et leur activité de manière dépendante du fractionnement. La meilleure compréhension de ces mécanismes nous a permis de mettre en évidence une combinaison particulièrement prometteuse de RT normofractionnée et d’IT anti-NKG2A et anti-PD-L1, qui méritera à l’avenir d’être évaluée dans le cadre d’essais cliniques.

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